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Critique de Eric75


Changement de décor dans ce 10e tome, publié en 1999, qui plonge le lecteur dans une ambiance nettement plus américaine, même si le lieu n'est pas officiellement identifié, certains détails ne trompent pas (l'enseigne « General Store » du motel, les bikeurs en Harley-Davidson). Ce motel perdu en plein désert, saturé de chaleur et de poussière, la station-service, la citerne d'eau et l'éolienne rappellent des films comme Bagdad Café ou le facteur sonne toujours deux fois.

Canardo a récupéré sa célèbre Cadillac Eldorado Biarritz 1956 blanche décapotable, qui réapparaît miraculeusement à chaque fois que notre vaillant détective est en voyage. Tout commence par une panne en plein désert sur ce qui pourrait être la route 66, la Cadillac étant en aussi mauvais état que son propriétaire, rien de surprenant. Canardo fait du stop et croise un groupe de bikeurs qui l'ignore et poursuit sa route sans s'arrêter. Il parvient à regagner à pied une station-service où il peut faire dépanner son véhicule et qui offre le gîte et le couvert aux voyageurs de passage.

Canardo va donc accepter de rester dans le motel, le temps de la réparation, et fait connaissance avec les occupants du lieu : Paula, Paulo, M. Wenger et Pamela Johnson.

Paula (prénommée aussi par erreur Monica page 15), tient la pension et fait « le meilleur chili con carne de tout le désert ». Elle n'hésite pas à l'occasion à fouiller les valises de ses clients pour les dépouiller, voire pire. Elle ne rêve que de quitter cet endroit sordide à ses yeux et de parcourir le vaste monde.

Paulo, le mari de Paula, est mécanicien, garagiste et dépanneur, il tient la station-service et se soumet volontiers aux ordres de son épouse qui semble tout diriger.

Miss Pamela Johnson, une célèbre actrice, débarque peu après l'arrivée de Canardo et se fait larguer sous nos yeux par son conjoint et impresario qui l'abandonne sur place. La star peut pourtant s'enorgueillir de quelques points communs avec Pamela Anderson dans "Alerte à Malibu", comme en témoignent les répliques suivantes : « – Je n'ai pas loupé un seul épisode de "Panique à la plage" ! » et « J'avoue que malgré mon âge, quand vous courez sur le sable dans votre petit string rouge… Aah ! Bon sang !!! » (page 13).

M. Wenger, le photographe de cartes postales « amoureux du paysage », s'est arrêté un jour et a décidé de ne plus repartir. Sous le charme de Pamela, il a des faux airs de Clint Eastwood dans Sur la Route de Madison.

Tout ce petit monde, malgré les oppositions et les dissensions, va devoir coopérer et se préparer au combat pour contrer une menace bien plus grande que le désoeuvrement, sous la coordination de Canardo qui va distribuer les rôles de chacun. Car Canardo n'est pas là par hasard, il traque son ennemi de toujours, le chat Raspoutine, qui est en réalité le chef des motards. Ces derniers recherchent un des leurs et une cargaison de drogue qui ont disparu, leurs soupçons se portent naturellement sur Paula et Paulo.

Nous retrouvons dans cet album le chat Raspoutine, qui fait de temps à autre quelques apparitions alors qu'on le croyait mort. En fin d'album, l'ambiguïté sur sa disparition demeure, et il pourra ainsi être réutilisé. Raspoutine est à Canardo ce que le professeur Moriarty est à Sherlock Holmes : un génie du crime récurrent et insaisissable.

Je ne résiste pas à la tentation de citer quelques répliques sokaliennes, à la fois désabusées et à l'ironie mordante, qui sont la marque de fabrique de l'auteur : « (Paula) – … ici, on regarde beaucoup l'horizon… on s'imagine ce qu'il y a derrière… (Canardo) – Un autre horizon… plus petit… » (page 7) ; « … ce qu'il y a de pratique quand on explose un motard, c'est que la cervelle reste dans le casque : c'est moins salissant… » (page 21) ; « Les femmes, quand ça bouge pas, ça rêve… et puis à force, ça préfère rêver que de bouger !!! » (page 33).

Cet album au ton désabusé et dépressif se termine avec une séquence comportant très peu de dialogues, comme il avait commencé. L'assaut final de la bande de hors-la-loi aguerris contre une poignée de novices à peine formés par Canardo rappelle les scénarios de western tels que Les sept mercenaires et s'achève dans un bain de sang.

Très conscients de leur destin inexorablement voué à l'échec, les personnages ne vont certes pas jusqu'au bout de leurs rêves et l'un d'eux se permet même de faire de l'autodérision en rendant son dernier souffle : « – Les vrais héros ne meurent jamais… Un jour il va venir te chercher dans sa belle voiture blanche… il… il t'emmènera loin d'ici… – Ouais, loin d'ici… de l'autre côté de l'horizon… » (page 48). Dans la dernière image, un panage de fumée noire derrière l'horizon témoigne d'une explosion et de la férocité du combat qui a opposé Canardo et Raspoutine. Sans plus d'information, c'est au lecteur de décider qui aura pu s'en sortir indemne.

Un Sokal en grande forme, inversement proportionnelle à celle de ses héros !
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