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Critique de Calimero29


J'avais lu, en avril 2020, « le complexe de la sorcière » et je n'avais pas accroché à ce texte qui était plus un essai, une autofiction thérapeutique, une analyse introspective un peu fourre-tout qu'un roman. Je ne serais probablement pas allée plus loin avec Isabelle Sorente si je n'avais pas reçu, de façon aléatoire, « La femme et l'oiseau », son dernier roman, dans le cadre d'un jury littéraire. le hasard a bien fait les choses car ce roman m'a transportée.
Le titre est déjà une promesse en lui-même avec l'association de l'oiseau, symbole de liberté et la femme, association souvent présente en littérature, en peinture, en sculpture. Cette promesse, l'autrice la concrétise avec l'histoire de Thomas, 91 ans, ancien Malgré-Nous, qui vit dans une maison en pleine nature dans le massif des Vosges et qui accueille sa petite-nièce, Elizabeth et sa fille, Vina, 14 ans ; la mère et la fille ont quitté Paris précipitamment après que Vina ait menacé un camarade avec un cutter et ait été exclue du collège. Les trois personnages doivent faire face à un secret qui les ronge ; Thomas doit affronter le souvenir de la guerre dans les rangs allemands contre son gré, il doit exorciser les souvenirs horribles du camp de prisonniers de Tambov, en Russie, la mort de son frère aîné dont il se sent responsable et la perte de la seule femme qu'il ait aimée, Nergui, une combattante mongole. Elizabeth, elle, doit guérir de la culpabilité d'avoir payé une femme indienne pour porter sa fille, étant stérile. Vina doit assumer cette blessure de n'avoir jamais revu sa mère biologique et avoir pu lui dire « je t'aime ».
Chacun va aider l'autre en lui offrant la possibilité de partager le secret, la douleur afin de trouver sa liberté, de respirer. Thomas a le don de voir l'invisible, au-delà des choses grâce à la méditation et une sorte de transe déclenchée par la nature et la rencontre avec un faucon omniprésent dans le roman. le faucon est la voie vers soi, vers une sorte de sérénité profonde.
Ce roman aborde de façon très poétique des sujets graves et douloureux comme la gestation pour autrui, le besoin vital de savoir d'où l'on vient, la culpabilité, la transmission ; il nous offre également une page d'histoire qui a laissé une plaie encore béante en Alsace avec l'engagement contraint des Alsaciens dans les rangs de la Wehrmacht, épisode peu évoqué en dehors de cette région et donc largement méconnu. Ayant vécu quelques années en Alsace, j'ai eu l'occasion d'apprendre le sort de ces jeunes hommes, écartelés entre leur patriotisme et le besoin de survivre. Ce roman rend cette tragédie encore plus émouvante avec le personnage de Thomas, qui a essayé de préserver son intégrité, son honnêteté, sa part d'humanité dans ce monde inhumain de Tambov.
La nature est omniprésente même au camp de Tambov ; il n'y a qu'en son sein, qu'on peut se trouver, se débarrasser des oripeaux qui nous étouffe, aller au fond de soi pour atteindre notre vérité. Au sein de cette nature, toujours décrite comme bienveillante, le faucon ou le gerfaut, symbole du subconscient, représente la liberté ultime, celui qui permet de s'envoler, d'aller à sa propre rencontre, de rentrer en soi débarrassé des scories de la vie quotidienne et de l'asservissement au sol.
Un beau roman, une très belle écriture poétique, une émotion très présente par la profondeur donnée aux personnages et à leurs interrogations qui pourraient être les nôtres. Il eut été dommage que je passe à côté de ce roman après la déception ressentie à l'égard du précédent.
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