Dans "L'Instruction" (JC Lattès), Isabelle Sorente se prête à un mystérieux exercice d'empathie, pratiqué par d'anciens maîtres nomades, consistant à s'imaginer à la place d'un animal conduit à l'abattoir. Elle n'imagine pas que cela la conduira à l'intérieur d'un élevage industriel, et à un questionnement bouleversant sur l'écriture et notre lien aux autres espèces.
À l'occasion de la parution de ce nouveau roman, elle répond en vidéo aux questions que lui ont posées ses lecteurs.
En savoir plus https://www.hachette.fr/videos/questions-de-lecteurs-avec-isabelle-sorente
+ Lire la suite
Je trouvais étonnant que les gens laissent des mots avant de se suicider, et que personne ne donne jamais d’explication au fait de rester en vie.
Les choses paraissent toujours plus grandes la première fois qu’on les voit, même si on ne les voit pas en entier.
- Je connais les garçons mieux que toi, Vina, et les garçons entre eux ne changent pas. Il y a ceux qui trahissent les femmes pour leurs copains, et ceux qui trahissent leurs copains pour une femme. Vu tout ce que tu m’as dit, ton Gaspard fait partie de la deuxième catégorie.
Il n’était pas le seul Malgré-nous à constater qu’un abîme de séparait de sa famille. Oh invisible à l’œil nu. Plus fin qu’un cheveu, un abîme qu’un enfant aurait franchi sans y penser. Mais une fois qu’on avait le malheur de constater son existence, il devenait profond comme une entaille dans une artère. Même si les choses avaient commencé à changer. À mesure que les années passaient. Que les jeunes gens vieillissaient. Après les premiers témoignages des rescapés du goulag, il était devenu possible de parler des camps russes sans avoir l’air de cracher sur les anciens alliés.
L’œil du faucon perçoit un insecte sur le sol à cent mètres de hauteur.
Le faucon pleure, il pleure des larmes assez consistantes pour protéger ses yeux des grains de sable qui pourraient les lui crever, lorsqu’il fond sur sa proie à trois cents kilomètres à l’heure.
À cette vitesse, les larmes humaines sécheraient aussitôt. Pas celles du faucon.
Ses larmes le protègent, et sa vision panoramique du monde qui s’ouvre à cent soixante degrés.
On imagine toujours que les adultes envient les enfants, comme si l’enfance était un âge d’or. Combien les enfants envient les adultes, ça, personne n’ose l’imaginer.
Ce n’est pas les démons des autres que nous voyons. Ce sont les nôtres. C’est pour ça qu’on se trompe toujours sur les gens.
Comme la terre glaise croit le potier, voilà comment elle l'avait cru. Même si le potier ne veut qu'une chose, déformer ce qu'il tient entre ses mains, elle l'avait cru.
" Les contraires s'embrassent, se regardent dans les yeux et se confondent l'un avec l'autre .
Ils reconnaissent leur unité en une jouissance pleine de tourments...."
Lui qui ne désirait que les filles fragiles et ne respectait que les femmes fortes, ce qui lui donnait l’impression de se faire avoir chaque fois qu’il tombait amoureux, voilà qu’il goûtait aux miracles de l’équilibre : Lucie était à la fois têtue et écorchée vive, ce dosage unique entre deux pôles opposés s’emboitait à son désir comme une pièce de puzzle.