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Critique de Meps


Rechercher des romancières africaines, particulièrement d'Afrique Noire, est une expérience intéressante. Après 5 ou 6 résultats pertinents, on se retrouve rapidement avec des romanciers africains, la question du genre étant joyeusement abolie par le moteur de recherche qui décide sans doute que la requête est trop fastidieuse. Et il est vrai qu'elles doivent se battre pour se forger une place, ses femmes auteurs de romans, comme dans la plupart des continents du monde d'ailleurs.

Rencontrer la prose d'Aminata Sow Fall est donc une chance, elle qui fut parmi les premières à se lancer dans le grand bain, son premier roman Les revenants étant publié dès 1976. Elle bénéficie tout de même d'un certain terreau propice puisque la littérature sénégalaise est tout de même, parmi ses consoeurs africaines, celle qui a laissé le plus de place aux auteures, Maryama Ba à son époque ou Ken Bugul et Fatou Diome à sa suite. Par facilité, je la découvre via son dernier roman L'Empire du mensonge, paru lui en 2017.

Le roman s'attarde sur un groupe d'amis, dont l'histoire commune a forgé l'envie de construire leur pays sur leur propre labeur, en lutte avec l'hypocrisie, les magouilles et les compromissions ambiantes. L'histoire s'ouvre sur une réunion habituelle du groupe où on sent que le respect des valeurs partagés vient parfois se heurter aux réalités politiques du quotidien. On est intéressé à l'avance par la façon dont l'auteur va faire s'affronter idéaux et monde concret... mais on est ensuite plongé dans le récit de la constitution de ce groupe fraternel, en partant de la rencontre dans l'enfance, puis en se centrant sur l'évolution du personnage de Sada, celui-là même qu'on sent en difficulté au début du livre. L'auteur tisse habilement tout ce qui fait la construction de l'homme, ses liens familiaux comme sa formation scolaire ou pratique, les préceptes religieux, tout ce qui fait ce "d'où il vient" que son père l'incite à ne pas oublier. Un "d'où il vient" plus philosophique que géographique, ce socle de valeurs qui doit permettre de ne jamais se renier.

Tout cela est plutôt bien narré, avec un style fait de beaucoup de phrases nominales qui ne m'ont pas gênées dans la lecture, l'émotion passant parfaitement bien même avec une pénurie de verbes que l'auteur n'use que quand il s'agit de décrire brièvement certaines actions. le recours aux proverbes de sagesse populaire africaine est également agréable, totalement en cohérence avec le propos qui insiste sur la nécessité des racines, d'un ancrage qui empêche de vaciller quand le bateau tangue.

Cela ne peut que nous faire regretter que la situation tendue du début ne soit pas mieux exploitée car on en reste finalement à de grands principes certes essentiels pour imaginer une Afrique plus autonome et responsable de ses actes, sans rechercher une tutelle continuelle de grandes puissances ou chercher à accuser le passé. le malaise de la scène initiale était finalement le plus intéressant à interroger, car c'est lui qui fait que toutes ces belles idées tardent à trouver une application concrète dans des pays dont les forces vives ne manquent pourtant pas. L'auteure a décidé de ne faire que l'effleurer, consciente peut-être elle aussi que le défi était bien dur à relever.
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