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Critique de LiliGalipette


Marzi est une petite fille rousse aux grands yeux gris-bleu. Accompagnée de son lapin en peluche, elle grandit tranquillement auprès de ses parents et avec les gamins de son immeuble. Elle a les jeux de son âge : bloquer l'ascenseur, sonner chez les voisins, courir dans les champs. Entre ses bêtises d'enfant et ses grands questionnements, Marzi est une gamine qui veut comprendre et qui pose sur le monde des yeux curieux. Elle est née dans la Pologne communiste des années 1980 et elle raconte ce monde d'un autre âge.

Du fond de son enfance, Marzena ramène des souvenirs drôles et émouvants. Elle raconte les défauts de sa mère et l'amour qu'elle porte à son père. "Ma mère, c'est comme une sorte de prophète dramatique ; avec elle, l'avenir est forcément catastrophique." (p. 98) Les petites misères qu'elle subit ou qu'elle fait subir sont racontées avec la naïveté cruelle des enfants. Son enfance est celle de beaucoup : elle passe les vacances chez sa grand-mère, avec des cousins, elle apprend à nager, elle ramasse des fruits, elle adore puis abandonne certains jouets. Mais voilà, la Pologne communiste, ce n'est pas tout à fait la France dont Marzi rêve depuis toujours, surtout depuis qu'elle a entendu chanter Mireille Mathieu.

Entre son père ouvrier et sa mère employée de bureau, Marzi grandit plutôt bien. L'ordinaire n'est jamais très original, mais ses parents font le maximum, comme tous les Polonais, pour dénicher quelques denrées rares, parfois au prix de longues heures d'attente dans le froid."Juste un petit morceau de n'importe quoi pour nourrir la famille. du sucre pour adoucir cette existence. Pour oublier toutes les contraintes de la vie de ce pays." (p. 33) le rationnement est au coeur des existences et il suffit de peu pour améliorer le quotidien. Chacun fait provision du maximum en prévision du pire ou du mieux."Finalement, les gens se servent très peu de leur voiture... L'essence est un luxe. Les gens l'emmagasinent pour le jour où ils en auront vraiment besoin. Pour fuir le communisme par exemple..." (p. 190)

Sourdement gronde la révolte et s'annonce la fin du communisme. Un soir à la télé, "il y a le monsieur moustachu qui n'a peur de rien. Chez nous on parle beaucoup de lui. Il s'appelle Lech Walesa et il est à la tête d'une association qui se révolte contre les autorités." (p. 260) Avec le peu de mots dont elle dispose et les bribes d'information qu'elle saisit au gré des conversations, la petite Marzi s'ouvre au monde des adultes et témoigne d'une vive intelligence.

Marzena Sowa a retrouvé ses yeux d'enfant pour décrire les files d'attente, les combines de ses parents pour améliorer le quotidien, l'arrivée de Jaruzelski au pouvoir, la catastrophe de Tchernobyl, les voyages de Jean-Paul II dans son pays d'origine et Solidarnosc. Les panneaux et les écrits dans les rues sont rédigés en polonais et accroissent l'immersion du lecteur dans l'univers de l'enfant. Marzi est une gamine d'autant plus attachante qu'elle ressuscite un passé récent et que son enfance correspond à la mienne. La comparaison est troublante.

Marzi propose une enfance polonaise en chapitres courts. Les planches comptent quatre cases centrées sur un fond blanc. La lecture n'en est que plus aisée. En ne saturant pas la page avec l'image, le dessinateur laisse la place aux à-côtés, à l'imagination et aux non-dit. Chaque chapitre est symbolisé par une image qui couronne les pages : ours en peluche, carpe, boîte d'allumettes, chaussons de danse, boulons, ticket de rationnement et autres sont souvent des illustrations pleines d'ironie douce. Les images se déclinent en tons bruns, gris et sépia. Il s'agit vraiment d'une remontée dans le temps et d'une relecture de vieux albums.

Marzena Sowa a retrouvé ses yeux et son esprit d'enfant et c'est vraiment la petite Marzi qui s'adresse à nous. "Nous sommes des enfants éponges, il ne suffit pas d'essorer, il faut faire attention dans quoi on nous plonge. Même lavés, rincés, séchés à maintes reprises, les traces restent en nous." (p. 125 - 1989) Marzena n'a rien oublié de son enfance polonaise, ni les difficultés, ni les rires. Et on comprend que sa faculté de raconter et son imagination viennent de là, de ces années où elle posait sur le monde ses grands yeux interrogateurs et rêveurs.
Lien : http://lililectrice.canalblo..
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