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Critique de tessy2


Un ouvrage que l'on peut classer parmi les incontournables de la BD, un sujet atypique dans l'univers de la bande dessinée mais un classique tout de même désormais, à mettre entre toutes les mains !

J'ai mis du temps à sauter le pas car la bande dessinée est avant tout pour moi, synonyme d'aventure, de bonheur, de gaieté. Et oui, biberonnée à Astérix, Tintin, Spirou et autres Schtroumpfs, il m'est souvent difficile de me lancer dans des univers sombres ou trop réalistes. Je suppose que cela m'a fait repousser cette lecture dont le sujet est l'holocauste, à de multiples reprises. Mais je savais que j'y viendrai un jour.
En apercevant dernièrement Maus, dans ma médiathèque, je me suis souvenue d'interdictions de livres aux USA, au Tennessee notamment. Un électrochoc dans ma tête qui m'a fait prendre conscience de l'importance de cette lecture, peut-être pas l'urgence mais ...
D'ailleurs, l'interdiction de Maus dans les écoles avait eu pour conséquence de le porter en tête des ventes aux USA. Là-bas, ils appellent cela l'effet Streisand. Et bien, cela a fonctionné sur moi également. Découvrons Maus, j'ai envie de dire enfin ....!

Visuel

Un visuel en noir et blanc, très sobre, avec des animaux en guise de personnages.
Des petites souris blanches représentent les juifs. Les nazis sont des chats et les polonais, des cochons. Procédé de mise à distance réussi, ces petits animaux sont rassurants.
Les dessins sont simples.
Pas de paysages, pas de plans larges, ici on se focalise sur les personnages.
Rien ne vient perturber leur histoire. On ne se raccroche ni aux paysages, absents, ni à de jolies couleurs, absentes.
Les personnages se ressemblent tous un peu. On les reconnaît à leurs attitudes ou paroles. Ainsi, nous sommes entièrement tournés vers le récit. La parole prend une place privilégiée. On lit les petites bulles avec beaucoup d'attention et d'intérêt.
Le visuel est donc très réussi car il allège le sujet tout en gardant une solennité. Il porte le récit et lui donne une grande force émotionnelle.

Scénario

J'ai été surprise. Je ne m'attendais pas à cela. L'auteur ne nous plonge pas directement dans l'enfer des camps, comme je m'y attendais.
Non, il y met beaucoup de distance, prend son temps, se met en scène dans le processus de création de la bande dessinée, et amène le sujet avec délicatesse, douceur, remise en question, doutes et même humour. L'histoire s'installe doucement et oscille entre l'écriture du livre, le monde d'aujourd'hui, art Spiegelman venant rendre visite à son père et écouter son histoire et le récit de ce père, plus jeune, du déporté.
Ce scénario ne bouscule pas le lecteur.
Nous observons en premier lieu une relation père-fils dans tout ce qu'il y a de plus banal. Un père vieillissant et un sacré râleur, pour ne pas dire casse-couilles et face à lui un fils compréhensif mais d'une autre époque, qui essaie avec parfois beaucoup de difficulté, d'extirper le récit d'une vie si douloureuse, et si éloignée du présent qu'elle semble irréelle. le fils, entre exaspération, admiration et culpabilité, essaye tout le long d'exhumer les souvenirs de son père, de les classer afin de livrer un récit cohérent et respectueux.
La vie de Vladek, le père, s'emboîte dans cette histoire première et nous vient petit à petit.

Mon avis

Le récit de la déportation, même si il reste le sujet de l'oeuvre, n'est pas non plus l'unique récit. Il y a une mise à distance visuelle avec des personnages anthropomorphes mais aussi scénaristique avec deux récits imbriqués, au présent et au passé, deux temporalités, celle du fils, la nôtre et celle du récit bouleversant du déporté Vladek. Et ce deuxième récit se tisse au fil des pages, d'abord léger, plein d'amour puis de plus en plus sordide. Avec la répression et l'installation du régime nazi, l'oppression devient grandissante pour finir dans le drame et l'horreur absolue.
L'histoire s'installe lentement et nous avons le temps de nous imprégner des personnages. A leurs côtés, nous vivons les premiers questionnements, les premières incompréhensions et le passage de l'incrédulité à la constatation, de la stupeur à la terreur.
Art Spiegelman a réussi à livrer un témoignage doublement émouvant. En se mettant lui-même en scène, il retranscrit également l'émotion d'un fils. Nous avons donc plus qu'un simple témoignage. Nous avons aussi le récit d'un retour, le dur parcours de réinsertion de ceux qui ont vécu l'enfer et l'impact sur leur famille.
Cette oeuvre est remarquable. Un récit retranscrit avec beaucoup de finesse, de sensibilité, et de sincérité qui fait progresser le lecteur au côté des personnages,au coeur des évènements, sans pour autant le brusquer. L'oppression, telle que Vladek et les siens l'ont vécu, sournoise, galopante, incompréhensible, terrassante, meurtrière.
Une bande dessinée, une "simple"bd peut également, avec beaucoup de justesse offrir un témoignage poignant, bouleversant et infiniment respectueux de la mémoire des victimes des camps.

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