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Critique de Melisende


Lorsque j'ai vu ce nouveau titre dans le catalogue des éditions Nathan, j'étais TRES sceptique. Ma dernière histoire de sorcières pour les jeunes lecteurs date de ma lecture de Wicca (en vo) de Cate Tiernan que j'avais trouvée très mauvaise ; j'avais peur de tomber sur un texte du genre, ridicule et bourré de clichés. Et puis les bonnes « critiques » ont commencé à tomber et certains en ont même fait un coup de coeur (cf la chronique de Livres & Cie) alors la curiosité l'a emporté sur le scepticisme et je me suis lancée.
Finalement, même si je ne suis pas aussi enthousiaste qu'elle, j'ai quand même passé un excellent moment, ai trouvé de bonnes choses et lirai la suite avec plaisir. J'ai trouvé l'ensemble plutôt bien construit, l'intrigue intéressante dans un monde plutôt réfléchi… quasiment un sans faute !

J'ai été agréablement surprise en découvrant que l'intrigue se déroulait dans une Angleterre imaginaire, au tournant du XXe siècle. Dans ce monde inventé, ce sont les Frères (et l'aspect « masculin » de façon générale) qui dominent tandis que les femmes sont soumises à des vies qu'elles choisissent à peine, contraintes toutes ces années à obéir à leur père puis dès leur 17 ans à leur nouvel époux. La Femme est si faible qu'elle peut facilement pêcher… la Sorcière devient l'ennemi numéro 1 à abattre. Un vent d'Inquisition et de chasse aux sorcières (cf la fin de notre XVe siècle et le célèbre Malleus Maleficarum) souffle sur cette histoire. On apprend d'ailleurs qu'avant l'ère des Frères, celle des Sorcières avait conduit le pays à la déchéance, les femmes prenant des libertés intolérables et occupant des postes bien trop haut placés. Pour régler ce problème, les buchers, fouilles et traitrises ont été de mises pendant des années… jusqu'au règne actuel, pas très loin d'une Terreur où la ferveur religieuse entrave plus qu'elle ne rend heureux.
L'opposition d'une religion plus masculine, stricte et soumettant les femmes à une « religion » beaucoup plus matriarcale et libérée emprunte de « magie » n'est pas une idée nouvelle. Malgré tout, si le thème manque un peu d'originalité, il reste assez intéressant à mon sens et je prends toujours plaisir à le croiser dans mes lectures (je grince aussi pas mal des dents en parcourant certains passages où l'intolérance et le machisme sont mis en avant). Je regrette cependant le côté un peu trop manichéen avec lequel Jessica Spotswood nous présente les deux « camps ». A l'en croire, l'ère des Frères est synonyme de malheur, l'ère des Sorcières de futur envisageable et largement souhaité. Je trouve ce clivage un peu trop tranché même si, je n'oublie pas que l'auteure équilibre un peu les choses avec l'Ordre des Soeurs et nous montre que les sorcières ne sont pas toutes « blanches ». J'espère que, dans les tomes suivants, elle pensera à atténuer encore davantage les choses et à nous montrer un autre visage des Frères qui, je l'espère, ne sont pas forcément tout « noirs ». Je pense que ce choix un peu « facile » est dicté par le public visé et également par le fait qu'il s'agit d'un premier tome dont la narratrice principale n'est qu'une jeune fille encore naïve et pas du tout au fait des secrets de son univers.

Effectivement, dans ce premier tome, c'est Cate, la soeur aînée (qui aura bientôt 17 ans et devra alors choisir sa voie…), qui nous relate les évènements. Nous ne voyons donc les choses que de son point de vue, ce qui limite sans doute nos horizons. Maîtresse de la maison depuis que sa mère est décédée, la jeune fille prend son rôle très au sérieux et n'oublie pas la promesse faite à sa défunte maman : elle protègera ses deux plus jeunes soeurs de tous les dangers, coûte que coûte ! Cate a bien du mal à tenir sa promesse avec une jeune soeur comme Maura qui, du haut de ses 15 ans, n'est qu'impétuosité et fougue. Heureusement, la plus jeune des trois, Tess, pas encore entrée dans l'adolescence, semble désireuse de faciliter les choses et tente de « bien se tenir ». Malgré tout, difficile pour les trois soeurs de garder leur secret en sécurité… difficile d'être nées sorcières dans un monde qui les chasse et les brûle… et encore plus difficile de revendiquer sa nature lorsqu'une prophétie annonce davantage de dangers !
J'ai vraiment beaucoup aimé suivre la narration de Cate qui est, à mon goût, une héroïne courageuse, réfléchie et responsable. Elle met son propre bonheur et son avenir entre parenthèses pour le bien-être de ses deux soeurs. J'ai compris et approuvé ses choix et avais envie de la soutenir coûte que coûte pendant ma lecture. Si j'ai bien compris, le deuxième tome sera cette fois du point de vue de Maura, et je sais déjà que j'aurai beaucoup plus de mal avec cette héroïne beaucoup moins « posée ».

Outre tous les dangers entourant sa famille, Cate doit également songer à son avenir… le jour de sa décision approche à grand pas. Soit elle accepte la demande en mariage d'un ancien ami d'enfance qui devrait la mettre en sécurité loin des Frères mais également loin de ses soeurs… soit elle laisse l'Ordre choisir un mari pour elle, soit elle décide de rejoindre le couvent des Soeurs. Dans tous les cas, soit elle se retrouve perdante soit ne peut respecter la promesse faite à sa mère… et si un autre choix s'ouvrait à elle, un choix particulièrement inattendu, et dangereux ? le triangle amoureux n'est évidemment pas absent de cette histoire, mais pour une fois, il ne m'a pas trop gênée car la jeune fille ne passe pas de l'un à l'autre sans cesse et semble vite arrêter sa décision (enfin, pour ma part, c'était clair assez rapidement !). Mariage de raison ou mariage d'amour… telle est la question !
J'ai vraiment beaucoup aimé suivre les doutes de l'héroïne car j'ai trouvé que c'était bien mené et particulièrement crédible. J'ai été heureuse de son choix… et particulièrement surprise du dénouement de ce premier tome ! Même si ce n'est finalement pas si surprenant lorsqu'on prend un peu de recul, c'est quand même bien mené et ça m'a plu.

Dans cette société très codifiée et très restrictive, la censure est de mise, notamment au sujet des livres permis (ce qui est « amusant » c'est que j'ai lu trois livres young adult de suite qui mettent en avant la censure littéraire dans des mondes « futuristes » ou réinventés comme ici… comme quoi !). Et dans l'ensemble, j'ai vraiment bien aimé l'atmosphère très fermée et le climat de « terreur » qui sévissent dans cette histoire. On peut, grâce à cela, se sentir encore plus concerné par l'histoire des trois soeurs et trembler avec elles lorsqu'elles manquent de se faire attraper !
Jessica Spotswood a donc assez brillamment installé son intrigue en nous offrant un décor crédible et très palpable. Je la félicite également pour sa mise en scène de la sorcellerie. Je redoutais un côté trop « bling-bling », trop spectaculaire et de ce fait ridicule. Mais non. Bien sûr la magie est présente et le lecteur assiste à des démonstrations sans équivoque, mais ça reste assez « vraisemblable ». Sans grande originalité, les soeurs font appel à des termes latins pour lancer leurs sortilèges, un peu à la manière d'Harry Potter. Ce n'est ni trop peu (je pense que les jeunes lecteurs ont besoin de trouver une sorcellerie assez « visible » dans leur lecture) ni trop exagéré. le juste milieu est atteint, me voilà rassurée et plutôt conquise.

Un monde et une société plutôt intéressants, une intrigue que j'ai suivie avec beaucoup d'intérêt, une héroïne principale à laquelle je me suis facilement attachée… le tout servi par un style fluide et agréable sans pour autant tomber dans le simplisme. Vraiment un bon cru dans la littérature young adult, à mon humble avis.
Lien : http://bazardelalitterature...
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