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Critique de ODP31


ODP31
23 décembre 2023
De la friture sur l'horloge.
Avec toutes ces histoires de machines à voyager dans le temps, de fantasmes uchroniques et d'altérations inopinées du passé, on peut se demander ce qu'attend la science pour se mettre au diapason de la littérature depuis le roman d'H.G Wells en 1895. Chercheurs, arrêtez de chercher, garez la DeLorean en double file et essayez de trouver de temps en temps, nom de Zeus ! Il suffirait de transformer nos rêves en équation.
Comme la logistique a donc du mal à suivre, Emilie St John Mandel science-frictionne à son tour sur ce marronnier de campeurs de la Lune, sans se focaliser sur le mode d'emploi des treks temporels. Lors d'une croisière, on ne visite pas la salle des machines. Elle s'intéresse aux émotions de ses personnages et aux passions qui tatouent la mémoire. Les personnages ont des brèches dans lesquelles le temps se faufilent.
En 1912, un jeune anglais oisif qui se cherche s'exile sur l'île de Vancouver et il est témoin d'un phénomène étrange dans une forêt : écran noir, notes de violon et vrombissement d'une machine inconnue. Encore plus bizarre que de tomber sur quelques illuminés qui font des câlins aux arbres avec leur Sylvothérapeute à polaire parce qu'ils n'ont personne pour leur gratter le dos à la maison. Bégaiement du coucou ? Interférences entre l'heure d'hiver et l'heure d'été ? Overdose de cèpes ?
En 2020, Mirella, veuve depuis « l'Hôtel de Verre », ce personnage secondaire du précédent roman d'Emilie StJohn Mandel, dont je vous conseille la lecture, assiste à la projection d'une vidéo lors d'un concert expérimental mettant en scène une amie disparue qui témoigne du même phénomène. L'hallucination ne peut pas être collective et ce n'est pas non plus une intoxication avec le jus de cèleri et l'émulsion de fèves du tonka servis pendant l'entracte pour la faune culturelle citadine. J'extrapole.
Cet arrêt sur image fait l'objet également d'une description dans le roman d'une certaine Olive Llewellyn, écrivaine d'une colonie lunaire venue promouvoir son livre sur terre en 2203, en pleine pandémie. Nouvelle référence à un précédent ouvrage de l'auteure : le magistral « Station Eleven ».
Un personnage mystérieux, Gaspery Roberts, vacataire du futur à l'Institut du temps, enquête sur cette anomalie et s'invite dans les trois époques incognito pour comprendre l'origine du bug.
La manie de vouloir réécrire l'histoire ne date pas de nos petits déboulonneurs de statues mais ce récit est bien plus intéressant que ces moralisateurs du passé car il interroge la réalité du monde et l'incapacité à être heureux dans le moment présent.
Pour les cinéphiles, l'atmosphère du roman est plus proche de « l'année dernière à Marienbad » d'Alain Resnais que de Matrix. Emilie St John Mandel (on dirait un nom de personnage de la série policière en charentaise « Barnaby ») nous épargne les effets spéciaux de manche mais elle structure son roman comme une succession d'illusions pour des personnages qui ne recherchent plus le temps perdu, étouffés par des madeleines au goût amer. Perso, je préfère les Figolus.
J'ai apprécié la construction du récit et le dénouement donne presque envie de reprendre les premiers chapitres pour revisiter l'histoire avec toutes les clés de compréhension.
Je trouve aussi que la science-fiction sied (ODP, tu m'as scié, arrêtes de lire des classiques, tu écris comme un mort) plutôt bien au style évanescent et froid d'Emily St.John Mandel.
Je ne savais pas que la mer de la tranquillité est une mer lunaire située sur la face de la lune qui montre ses fesses à la Terre. Pensez à mettre vos tongs la prochaine fois que vous serez dans la lune.
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