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Critique de Kirzy


Avec ce roman à la fois étrange et troublant, Emily St John Mandel plante son étendard là où l'ordinaire et l'étonnant se rencontrent, là où des personnes d'apparence banale s'arrêtent pour se demander comment ils en sont arrivés exactement là. le roman s'ouvre et se clôt avec la disparition nocturne d'une femme prénommée Vincent, elle dégringole du pont d'un porte-conteneurs près des côtes mauritaniennes.

Vincent, caméléon à l'agilité sociale parfaite, entrée presque par hasard dans le royaume de l'argent, n'est qu'un des personnages qui peuplent le roman. Elle est accompagnée de Léon, cadre dans une compagnie maritime qui bascule dans la marge ; d'Olivia, peintre octogénaire qui a eu son heure de gloire ; de Paul son frère toxicomane et musicien et de bien d'autres. Tous ont gravité autour de Jonathan Alkaitis, financier new-yorkais, double romanesque de l'escroc Bernard Madoff. Tous ont été profondément impactés par les agissements de ce seul homme lorsque la pyramide de Ponzi s'est écroulée et que l'escroquerie a été révélée.

A partir d'un mystérieux oracle inscrit à l'acide sur la paroi de verre de l'hôtel, adressé à Alkaitis ( «  et si vous avaliez du verre brisés ? »Emily St John Mandel a un talent fou pour tisser un récit complexe et imbriqué, tressant magistralement les interconnexions entre ses personnages disparates. Elle alterne des couches temporelles oscillant entre judicieuses analepses et ellipses audacieuses, qui pourraient perdre le lecteur, mais au lieu de cela l'hypnotise, aspiré par ce kaléidoscope de destins ( le parcours de Léon est juste superbe, quel magnifique personnage ! ). Je me suis seulement extraite de l'envoutement durant une cinquantaine de pages, lorsque le récit narre la découverte de l'escroquerie financière autour du choeur des employés serviles qui ont fermé les yeux.

Entre satire, ironie et tragédie, se dessine in fine une réflexion profonde sur la mutabilité de la vie, sur les frontières poreuses entre la culpabilité et la responsabilité, entre le passé et le présent. Tout est flou dans le ressenti des personnages qui doivent se confronter à la réalité de leur vie. Dans ce roman hanté de fantômes, les passages les plus beaux sont sans doute ceux où Alkaitis en prison, assaillis par les fantômes de ceux dont il a détruit la vie, s'inventent une contre-vie afin de s'évader. Les sections oniriques de cette réalité alternative apaisante donnent lieu à des moments de lecture très intenses. Il y a tellement de façon de hanter une personne dans ce roman adulte et profond.


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