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Critique de Selkis


Tout commence par une inscription à l'acide « Et si vous avaliez du verre brisé? » Intriguant n'est-ce pas? « Que peut signifier Et si vous avaliez du verre brisé ? à part J'espère vous voir mort ? » Qui a bien pu graver cette phrase, et pourquoi ?

Tout d'abord, bienvenue dans le monde de l'argent. Dans un hôtel de conte de fées, tout en verre, dans un lieu isolé et paradisiaque. Un hôtel qui ressemble aux milliardaires de ce monde : inaccessible - ou presque - étincellent de mille feux et écrasant les ombres qui gravitent autour de lui. Un univers de paraître, de paillettes, un monde de lumière.
Mais la lumière va décroitre … et on va finir par passer de l'autre coté du miroir… dans l'ombre..

Vous souvenez-vous de l'Affaire Madoff? Ce scandale financier qui a produit une onde de choc, ruiné un nombre incalculable de personnes, engendré des drames, des suicides…
Nul doute que l'affaire Madoff a inspiré le roman. Tout comme ce magnat de la finance, Jonathan Alkaitis, le personnage autour duquel gravite le roman incarne la puissance et l'argent, la réussite et le glamour, jusqu'au jour où il se voit condamné à « cent soixante-dix ans  de prison assortis d'une période de liberté surveillée à l'issue de la peine.»… Là aussi on semble transporté dans un autre monde… une dimension qui nous dépasse…c'est juste surréaliste… tout comme un monde où les fantômes du passé se promènent, les personnes se matérialisent et disparaissent, un monde dans lequel l'illusion est reine, un monde dans lequel les gens veulent croire à ce qu'ils savent impossible au fond d'eux…

Au programme : l'argent, la disparition d'une femme, une crise financière, la chute d'un homme, d'un système…

Tous les personnages sont pour ainsi dire des solitaires, des gens qui n'ont pas d'attaches, pas d'amis… des connaissances oui, mais pas - ou plus - de stabilité dans la vie. 
Les personnages sont hors-norme aussi… Il y a la barmaid, Vincent - cette fille au prénom d'homme et son demi-frère, un musicien à la poursuite du succès. Personnage intéressant que cette Vincent qui traverse la vie en se coulant dans la peau des personnages qu'elle interprète, comme une actrice se coule dans le rôle de ses personnages et mue au fil des rôles et gardant un point fixe : faire des petites vidéos de 5 minutes et regarder/garder ainsi le monde à distance, grâce à l'objectif de la caméra. Il y a aussi une artiste peintre qui a connu le frère du magnat de la finance, il y a des investisseurs qui vont confier leur argent à Alkaitis. Toutes ces vies vont s'entremêler, se croiser, se faire et se défaire…
Un roman noir social, psychologique, mélancolique aussi, qui nous parle de la perte, du manque, de la culpabilité, des disparitions, des fantômes de ceux qui nous ont quitté et qui hantent notre vie. C'est aussi un roman sur l'invisibilité… les gens qui se fondent dans le décor, qu'on ne remarque pas et ceux qui explosent à la vue de tous, des gens qui deviennent invisibles, en disparaissant de la lumière. 
Le roman parle aussi des personnes qui se voilent la face, aiment vivre dans l'illusion, en occultant dans leur esprit la réalité qui leur crève les yeux mais à laquelle ils ne veulent pas croire pour se persuader que l'illusion est la réalité. C'est confortable de s'installer dans le mirage et de fermer les yeux sur ce qui dérange… mais le réveil est brutal…

Le roman parle aussi des difficultés de la société, de cette société des gens de l'ombre, qui vivotent en marge, dans la peur du lendemain : ces personnes que l'on refuse de voir car elles nous angoissent… cette frange invisible de la société qui existe pourtant et dont on pourrait bien faire partie un jour si le sort s'acharnait sur nous: des survivants à la dérive, qui sortent à peine la tête hors de l'eau . Et de la chute des géants…
J'ai beaucoup aimé le concept de la contrevie, dans laquelle se réfugie Alkaitis ; après avoir vécu dans le monde hors réalité des milliardaires, il plonge dans la vie derrière les murs de la prison, qui n'est pas non plus la vraie vie. Il passe de la lumière à l'ombre, d'une cage dorée à une cage tout court: coupé de la réalité, dans une sorte d'univers parallèle, un refuge, une contrevie qui n'est pas faite de souvenirs mais qui est un monde inventé, imaginé, où se meuvent des fantômes qui sont en quelque sorte les manifestations de sa conscience qui ne le laisse pas en paix et fait revivre les personnes qui ont disparu, victimes de ses actes ou pas et qui ont quitté ce monde, son monde et se rappellent à lui.
Je vous invite à suivre la vie de ces hommes et ces femmes et je remercie une fois encore Barack Obama pour avoir pointé du doigt un livre passionnant qui sort des sentiers battus et qui est très bien écrit .

Lien : https://www.cathjack.ch/word..
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