Je te hais. Voici ma première lettre, et c'est tout ce que je veux te dire. Je te hais. Ma rage et mon désir de vengeance ne se sont pas atténués, bien au contraire. Le temps ne les a pas guéris, il a soufflé sur les braises.
L’instinct de survie est le plus fort, chez l’être vivant. C’est pourquoi ceux qui meurent de faim mangeront les plus faibles, et qu’une personne piégée coupera ses propres membres.
Par habitude, je verse du müesli dans un bol et ajoute du lait. La première bouchée me donne une nausée aussi violente que celle d’une future mère… D’une mère sans futur ?
Le temps se déploie tel un territoire étranger, dénué de tout repère familier, pays inconnu où je me suis égarée. Je n’en parle pas la langue, ne sais pourquoi je suis ici, ni ce que je dois faire.
La violence n’est-elle pas le résultat d’une personne qui perd le contrôle de ses nerfs ?
— Pas du tout. La maltraitance est planifiée, préparée. L’agresseur n’a généralement aucune difficulté à se maîtriser au travail ou, disons, avec des amis.
La nouvelle réalité jette une ombre sur chaque chose du passé.
Les mots, ce sont toute ma vie, les mots, les livres, les histoires, la lecture. D’accord, peut-être pas toute ma vie, mais une grande partie, et à présent, ils me font défaut. Ils sont inadaptés, pâles, faibles, en dessous de tout.
La mort a ce pouvoir : soudain, le contact entre les êtres, les marques physiques d’affection et de réconfort sont instinctives. On les reçoit et on les donne librement.
Je te hais. Voici ma première lettre, et c’est tout ce que je veux dire. Je te hais. Mais ces trois mots peuvent difficilement traduire l’étendue et la profondeur de cette haine galopante. Presque quatre ans, et j’ai été stupéfaite de constater que ces sentiments, ma rage et mon désir de vengeance, ne se sont pas atténués, bien au contraire. Le temps ne les a pas guéris, il a soufflé sur les braises.