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Critique de gabb


Il y a celui qui rêve en latin, celle qui lit le courrier des autres, celui qui rentre au pays après un long voyage.
Il y a celle qui s'est mise au sport, celui qui trompe sa femme et ceux qui voient des fantômes dans l'obscurité d'un hangar.
Et il y en a tant d'autres encore...

Tant de personnages qui vont et viennent dans ce village sans nom, perdu quelque part dans les fjords de l'ouest, non loin de Reykjavik.
Un bureau de poste, une coopérative, un restaurant. Mais pas d'église ni de cimetière, comme si les gens d'ici n'avaient que faire des forces d'en-haut. Comme s'ils "se content[aient] d'exister, d'écouter, d'accueillir le réel et les sons matinaux".

Et qu'advient-il alors de ce petit monde clos, de cette poignée de femmes et d'hommes placés comme sous cloche par Jón Kalman Stefánsson afin que nous les puissions les regarder vivre, aimer, douter, rêver ?
En un sens pas grand chose, et pourtant...

Huit chapitres durant, nous apprendrons à les connaître, nous partagerons leur quotidien, leurs espoirs, leurs colères, leurs drames. Nous lirons leurs histoires - plus ou moins tragiques -, nous percerons certains de leurs secrets, sans jamais bien comprendre ce que l'étrange narrateur (qui lui aussi ne s'exprime toujours qu'à la première personne du pluriel) a voulu raconter.
Et s'il ne s'agissait en fait que de parler d'amour, de temps qui passe et d'étoiles qui scintillent ? de ces lumières d'été qui précédent la nuit, l'oubli, le néant ?
Si les sujets majeurs n'étaient autres que la vie et la mort, cet "autre versant du monde" ?

Avec le style si envoûtant qu'on lui connaît et toute la légèreté de sa plume vagabonde, le romancier-poète passe allègrement d'un protagoniste à l'autre, sans logique apparente.
Il mène ainsi son lecteur sur un chemin sinueux, qu'il balise ici et là de fragments d'anecdotes et de jolies descriptions de son île natale (l'Islande, "ce grain de terre posé sous un ciel infini et béant"). Tantôt rugueuse et noire, tantôt douce et paisible, elle sert de décor parfait à cette agréable chronique villageoise, et une fois encore on a plaisir à suivre les tribulations de ces personnages simples (éleveurs de moutons, pêcheurs, artisans ou manutentionnaires) dont Stefánsson entrelace habilement les destinées.

Son texte plein de poésie, s'il peut parfois sembler confus et trop enchevêtré, prend par moment des allures de conte philosophique, il nous questionne sur notre humanité en pointant le caractère parfois inepte de nos existences. Peut-être certains lecteurs trouveront-ils ennuyeuse cette série de saynètes un peu disparates ? Même s'il ne s'agit sans doute pas de son meilleur roman, je reste quant à moi très sensible au style Stefánsson, qui fait comme toujours la part belle aux rêves et aux mirages !

Une ambiance singulière, une narration kaléidoscopique fascinante et des personnages attachants pour une subtile invitation à profiter encore des lumières du jour, avant que ne vienne la nuit.
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