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Critique de keisha


keisha
02 décembre 2019
Et voila, le charme de Wallace Stegner a encore une fois agi! Pourtant il s'agissait là de reprendre les personnages de la montagne en sucre, particulièrement le jeune fils, Bruce Mason, qui, des décennies plus tard revient à Salt Lake City, après une carrière de diplomate, pas vraiment terminée, l'ayant emmené surtout au moyen orient.

A Salt Lake City, plus rien ne le retenait, ses parents et son frère y étant enterrés depuis longtemps, laissant des souvenirs douloureux et compliqués, comme ceux restant de Nola, son premier amour, qui l'a laissé tomber pour un autre.
Lui reste un ami de toujours, Joe, et une tante peu connue qui vient de décéder, d'où son retour obligé dans la ville de son adolescence.

Le voilà qui déambule dans une ville ayant bien sûr changé, à la recherche (ou l'évitement) de lieux connus.
"Toutes ses impressions souffraient de distorsion et d'ambiguïté. Regardant les bâtiments, il n'aurait su dire s'il s'en souvenait ou si sa mémoire meublait la rue d'objets qu'elle voulait familiers. Quoique vaguement préparé à observer des changements, il n'avait pas prévu à quel point le connu et l'inconnu pouvaient fusionner. Il connaissait cette rue, mais celle-ci le mettait mal à l'aise. Cela tenait-il à ce que, bien que pourvu des mêmes yeux, celui qui voyait et celui qui se souvenaient n'étaient pas les mêmes?" (p31)

Oui mais
"Dangereux de presser le tube de la nostalgie. Impossible d'y remettre le dentifrice. le risque était qu'il finisse par verser dans la confusion. Car les côtés sombres qu'il ne pouvait manquer de se remémorer concernant cette ville étaient au moins aussi nombreux que les aspects sentimentaux et plaisants, et le seul fait de chercher à s'y soustraire les faisait remonter à la surface. S'il leur donnait libre cours, ils pouvaient revenir en masse comme des mouches d'automne contre la fenêtre du grenier." (p 42)

Un livre sur la mémoire, son manque de chronologie, ses évitements (et leur impossibilité)? Oui, mais ne pas s'imaginer du systématique, Wallace Stegner renouvelle les façons dont il se remémore le passé, y compris avec une caméra imaginaire. Et c'est passionnant, on a une 'vraie' histoire, dont on connaît bien sûr la fin, mais peu importe, les péripéties se découvrent avec avidité. Ajoutons une merveilleuse façon de décrire les paysages (nature writing bien sûr!), un art de la comparaison et de l'image, visible dans les passages cités plus haut, beaucoup de tendresse, un poil de drôlerie et autant de tragique.

La fin peut étonner, mais découle logiquement de ce qui précède.

Un passage lors de l'enterrement de sa tante, décédée fort âgée, avec un orage qui gronde, et où assistent seulement des dames de sa maison de retraite.
"Ces dames, qui avaient probablement savouré à l'avance cet enterrement comme une occasion de sortir, observaient Mason avec intérêt, le ciel avec inquiétude, le cercueil avec l'empathie chiffonnée de la prémonition." Franchement, quel génie de la concision!
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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