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Critique de raton-liseur


J'avais repéré cet auteur il y a déjà quelques temps, sans savoir trop comment l'aborder. Ce titre trouvé dans une vente de livres d'occasion a choisi pour moi. Et maintenant, de l'autre côté de la lecture, il m'est bien difficile de me souvenir de pourquoi j'avais noté cet auteur dans mes tablettes, et il m'est bien difficile d'aborder cet exercice de la note de lecture.
Je dis difficile de savoir pourquoi je voulais découvrir cet auteur parce que je ne crois pas que ce livre me ressemble vraiment (quoique…), mais pourtant j'en ai beaucoup apprécié la lecture. Même si je ne peux plus compter mes cheveux blancs sur les doigts de la main, je ne suis pas encore à l'âge des époux Allston, et pourtant je me surprends depuis quelques années déjà à apprécier les livres dans lesquels les personnages arrivent sur ce versant de leur vie où ils peuvent commencer à faire un bilan. Je me souviens de la lecture de Best Love Rosie de Nuala O'Faolain en 2013, notamment. Peut-être ai-je l'impression que ça y est, les dés sont jetés, que j'ai pris les grandes décisions qui marqueront les orientations de ma vie présente et à venir, et peut-être déj suis-je en train de me demander si c'étaient les bons choix, et où ils me mèneront. Peut-être est-ce un peu tôt pour se poser ces questions, il reste encore beaucoup à découvrir et à vivre, mais déjà je sens que j'aborde les questions du sens de la vie de façon bien différente que lorsque je commençais tout juste cette longue randonnée.

Pour en revenir à Vue cavalière, ce livre s'inscrit dans cette veine de lecture qui est nouvelle pour moi mais qui commence à devenir récurrente, en peut-être plus sombre et plus immobile. Il ne se passe pas grand-chose dans ce livre, sinon le ressassement de vieux souvenirs à moitié enfouis, l'exploration de plaies mal refermées…
J'ai beaucoup apprécié le style de Stegner, sa capacité à relever les petits incidents de la vie de tous les jours, que ce soit le silence d'un mari perdu dans ses pensées ou le prêt d'une tondeuse, et à montrer ce qui se cache derrière. Sensations irraisonnées, pensées peu avouables, ou conscience du temps qui passe et de la difficulté à trouver un sens à cette vie qui passe si vite et que l'on remplit de tant de choses futiles.
Finalement, sans jamais dire les choses clairement, ce livre donne une définition de ce qu'est vieillir. C'est faire le deuil. le deuil de beaucoup de choses. de ses rêves de jeunesse, d'une emprise sur le cours du monde que l'on n'a plus et que, d'ailleurs, on n'a jamais eue, de l'illusion de laisser une trace ou un héritage. C'est peut-être faire le deuil de l'idée de trouver un sens à notre vie, c'est accepter cette parenthèse pour ce qu'elle est, une parenthèse, quelque chose que l'on a cru indispensable de noter sur le moment mais qui au fond sera oubliée aussitôt que les yeux seront passés à la ligne suivante.

Amère cette note de lecture. Amer ce livre, pourtant, s'il est dur parce qu'il ne se voile pas la face, il dégage au fil des pages une sérénité qui va en s'affirmant. C'est le deuil qui se fait, l'acceptation de la vie dans ses beautés fugitives et ses limites infranchissables. Ce livre a quelque chose de bouddhiste, même si je fais probablement là un rapprochement très osé. Accepter ce qui ne peut être changé, et surtout se détacher de ses illusions, de ses rêves, lâcher prise pour se laisser porter par le courant.
Une sensation renforcée par le titre en anglais, « The Spectator bird ». Je crois qu'il existe effectivement un oiseau qui porte ce nom, un rapace, mais je n'arrive pas à remettre la main dessus. Mais ce nom décrit bien ce qu'est Joe Allston, un oiseau qui plane haut dans le ciel jouant des courants d'air pour se mouvoir, et regardant de si haut et avec une vue si acérée la vie se dérouler à ses pieds, sans jamais véritablement y prendre part. La traduction française fait plus penser à un regard décalé, de côté, qui donne une autre interprétation, peut-être moins épurée mais plus humaine, de l'attitude de Joe. Je crois que je me sens plus proche du titre anglais, et je le garde précieusement, me demandant si un jour, moi aussi, je deviendrai cet oiseau et que je poserai sur ma vie ce regard direct mais sans illusion, et que je me dirai : « Tout pour ça, mais finalement, ce n'est déjà pas si mal ».
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