Citations sur Treblinka : La révolte d'un camp d'extermination (21)
“Comme il [Herbert Floss] l’expliqua, tous les cadavres ne brûlaient pas de la même manière, il y avait de bons cadavres et de mauvais cadavres, des cadavres réfractaires et des cadavres inflammables. L’art consistait à se servir des bons pour consumer les mauvais. D’après ses recherches (…), les vieux brûlaient mieux que les nouveaux, les gras que les maigres, les femmes que les hommes et les enfants moins bien que les femmes mais mieux que les hommes. Il en ressortait que le cadavre idéal était un vieux cadavre de grosse femme.”
“A quelques dizaines de mètres de là, d’immenses brasiers hauts de plusieurs mètres vrombissaient. Les visages des morts reprenaient, au moment où les flammes les atteignaient, une vie soudaine. Ils se tordaient et grimaçaient comme déformés par une douleur insoutenable. La graisse liquide et la lymphe qui perlaient soudain recouvraient leur visage d’une sorte de sueur qui renforçait encore l’impression de vie et d’intense souffrance. Sous l’effet de la chaleur, le ventre d’une femme enceinte éclata comme un fruit trop mûr libérant le fœtus qui s’embrasa d’un coup.”
“Regarde-moi, je suis belle. Regarde-moi, je vais mourir. Regarde mon corps, regarde comme il est beau. Il était fait pour aimer, il était fait pour la vie, pour les caresses. Regarde-le! N’est-il pas beau? N’est-il pas jeune? N’est-il pas ferme? Il veut vivre, il veut aimer, Dieu l’a dessiné pour l’amour.”
Elle laissa retomber ses mains qu’elle avait remontées le long de ses hanches et de ses flancs, puis, après un instant d’immobilité, son visage lumineux se déchira en sanglots.
Deux gardes ukrainiens que le bruit avait attirés l’emmenèrent derrière la baraque et ses sanglots de désespoir devinrent des sanglots de douleur.”
Dans la Rome ancienne, on tranchait la tête des messagers de mauvaises nouvelles; à Lodz, à Vilna, comme à Bialystok et à Varsovie, on se contentait de ne pas les écouter.
Entre la mort et la souffrance, il avait choisi la fuite. ''Entre deux solutions, je choisis toujours la troisième...''
Pour survivre il avait noyé sa propre sensibilité et il lui semblait être devenu un autre, vivant dans un monde différent.Ceux qui n'avaient pas suivi cette voie étaient morts, par accident ou par lassitude. Méir Berliner avait trouvé une raison de vouloir vivre dans les yeux de la vieille femme. Jusque-là il avait survécu par instinct, il crut désormais le faire par raison.
En entendant les gémissements, Berliner se dit qu'il n'était plus un homme s'il n'allait pas chercher de l'eau. Il cessa ce jour là d'être un homme. Il n'y avait pas de place pour les hommes à Treblinka, ni d'un côté ni de l'autre.
Le raisonnement était très juste: on en veut plus aux siens de trahir qu'à l'ennemi de tuer.
Les Juifs ne se défendaient jamais, ne se révoltaient jamais. Les plus pieux y voyaient un châtiment de Dieu, les autres un phénomène naturel comparable à la grêle en pays de vignoble ou aux sauterelles au Maroc. On avait appris une chose: le Gentil est le plus fort, se révolter ne fait qu'attiser sa colère. ''Si un goy te bat, enseignaient les mères à leurs enfants, baisse la tête, il te laissera la vie sauve.''
- Qui préférez-vous, demandèrent les "techniciens" aux Juifs de Vilna, votre maman ou votre femme ? Si c'est votre femme, donnez-nous votre maman et si c'est votre mère, donnez-nous votre femme.
Que répondre à cette question ? Les Juifs qui le tentèrent s'y empalèrent le cœur.