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Critique de BillDOE


On peut s'interroger du choix du titre du roman De Stendhal, de sa symbolique. Dans cette « chronique du XIXe siècle », comme il le sous-titre par la suite, il met en bascule les deux couleurs comme une alternative qui décide selon le choix qu'il en est fait par ses protagonistes d'une couleur ou d'une autre, du rouge ou du noir. le choix d'une carrière pour Julien Sorel, rouge ce sera l'armée, non pas pour l'uniforme mais pour l'écho qu'il en a des campagnes napoléoniennes et du sang versé, noir ce sera le clergé, et cette fois pour la couleur de l'habit de séminariste, personne vouée à l'apprentissage des connaissances mais qui n'a pas fait voeux de chasteté, et ce dernier point est capital pour l'importance de l'intrigue et la tension dramatique du roman. Julien Sorel opte pour cette dernière vocation dans les faits mais pour la première en esprit. Ainsi, son ambition lui ouvre la petite porte du salon de Monsieur de Rênal en tant que précepteur de ses enfants grâce à l'ancien testament qu'il a appris par coeur, et le coeur de Madame de Rênal grâce à son tempérament guerrier et conquérant que lui inspirent les mémoires de Napoléon Bonaparte qu'il admire.
Cette entrée dans le monde est l'opportunité que Julien Sorel espérait pour s'extraire du milieu social misérable dans lequel il est né et auquel il était destiné d'y croupir le restant de son existence, car il est fils de charpentier. Y voit-on là une allusion christique ? S'il n'en a certes pas les vertus spirituelles, ni la vocation, il ne se sert de la religion et de son organisation qu'à des fins de réussite personnelle et d'ascension sociale, son égo, pourrait-on supposer, s'accapare une destinée messianique idéalisée afin d'être l'élu de tous mais Stendhal récupère la vie de son héros en le portant non pas sur la croix, mais sur l'échafaud, la modernité des moyens ayant fait son oeuvre (on n'arrête pas le progrès).
« le Rouge et le Noir », sont aussi les deux composantes essentielles du roman, la passion et la mort. Julien Sorel séduit par sa jeunesse, rassure, endort, manipule par le noir de son habit, mais ses sentiments ne sont que le reflet de la véracité de ses ambitions. On doute de la sincérité de ses intentions auprès d'une Madame de Rênal, on ne croit que peu à son amour pour Mathilde de la Mole tant sa soif de réussite sociale étouffe tout sentimentalisme. Ce n'est qu'au seuil de la mort, lorsque les enjeux se sont évaporés, que la vraie nature de ses sentiments se révèle. Julien Sorel est un parvenu dont l'arrivisme ne se mesure pas en pièces sonnantes et trébuchantes, l'argent ne l'intéresse pas, mais par le rang qu'il parvient à occuper parmi le Monde. Il serait faux de réduire les roucoulements de nos amoureux à une simple et bête arlequinade (en référence aux éditions Arlequin, entendant bien que le magistral roman De Stendhal ne saurait souffrir la moindre comparaison avec les mièvreries diffusées par la dite maison d'édition). Il y a dans les passions qui nous sont comptées, la politique. Julien Sorel gouverne sa vie comme on gouverne un état. Si l'amour a des raisons que la raison ne connaît pas, pour Julien Sorel, l'amour est raison.
Fort de son tempérament guerrier et d'une intelligence vouée à sa réussite sociale, Julien Sorel échappe à la destinée qui lui était promise à sa naissance. Il se joue des desseins divins, provoque le ciel et obtient tout ce dont il espérait et même au-delà : une épouse passionnément amoureuse, une descendance, des biens patrimoniaux, un titre et un rang. Ce serait sans compter la colère céleste qui place sur son chemin un amour oublié, un excès de zèle couronné d'une lettre vengeresse et c'est la chute, la déchéance et la mort.
C'est le roman de la compromission. Julien Sorel vend son âme au diable pour nourrir les appétits de son égo, mais le malin décide de la fin, de son heure et de sa nature, pour enfin toucher son dû.
Editions Gallimard, Folio classique, 661 pages.
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