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Critique de Siladola


En lisant le manuscrit d'une amie, Stendhal lui emprunta sans vergogne l'idée de ce roman inachevé. Les trois-cent-vingt-cinq pages des Editions du Rocher, collationnées par Henri Martineau, content les aventures d'un fils de famille chassé de l'Ecole Polytechnique pour républicanisme et devenu sous-lieutenant, puis secrétaire d'un ministre. Elles ne représentent qu'une partie d'un ensemble qui aurait dû comporter un volume supplémentaire. Tels quels, les deux premiers cahiers furent rédigés d'un seul trait en dix-huit mois. Craignant pour sa position au service de l'Etat, Stendhal abandonna Lucien Leuwen pour rédiger la Vie de Henry Brulard.

L'amour et l'ambition animent ce récit auquel la vie politique de la monarchie de Juillet sert de toile de fond. Au conflit de ces deux démons familiers se superpose l'opposition Paris/province, centrale chez l'auteur né à Grenoble et « monté à Paris » pour obtenir un poste dans l'administration des guerres.

Affecté au régiment de lanciers de Nancy – ville où Stendhal n'a jamais mis les pieds, mais qui sert d'exutoire à son mépris du provincialisme – Lucien Leuwen cavalcade sous les fenêtres de sa maîtresse, tombe de cheval, fait le joli coeur, se bat en duel et fuit la ville trompé par un docteur intrigant et politicien. Il débute alors dans la haute administration, patronné par un père banquier qui fait et défait les ministères corrompus. Celui-ci le sauve de la disgrâce par un tour de comédie qui oblige Lucien à courtiser la femme la plus en vue de la capitale. Propulsé sur le devant de la scène parisienne mais simulateur peu convaincu, carriériste sans ambition, le jeune homme court derechef à Nancy où il se marie. Son père meurt, laissant le héros ruiné, sans protection, mais si honnête qu'il paie tous ses créanciers puis rejoint l'Italie où il a obtenu, par son seul mérite cette fois, un poste de diplomate. le roman s'arrête là…Et encore les derniers développements sont à peine esquissés. Pas de frustration cependant : le lecteur aura parcouru dans les amours et la carrière mouvementées de Lucien un étonnant panorama historique et sentimental.

Lucien, double de Stendhal? Sa projection, indubitablement. Comme le romancier, le héros éprouve les tiraillements d'un double désir, érotique et mondain, auquel il croit échapper en se jetant dans la carrière des armes, en se dissipant dans des soirées avec les danseuses de l'Opéra. Comme Stendhal, Lucien est naïf et rusé, idéaliste, intéressé, avide de plaire. Sa sensibilité, son imagination le rendent déplacé, souvent ridicule, dans les salons louis-philippards. Les péripéties militaires, l'Italie rêvée reflètent le monde romantique stendhalien. Mais au contraire de celui de l'auteur, le père de Lucien est bienveillant et tout puissant. Revanche oedipienne? Oui, ou projection inversée peut-être.
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