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29 décembre 2011
« La fable du douzième chameau raconte qu'un vieux bédouin, sentant sa fin prochaine, appela à lui ses trois fils, pour partager entre eux ce qu'il lui restait de biens. Il leur dit : Mes fils, je lègue la moitié de mes biens à l'aîné, le quart au second, et toi, mon dernier, je t'en donne le sixième. A la mort du père, les fils se trouvent bien perplexes car les biens du père n'étaient autres que onze chameaux. Comment partager ? La guerre entre les frères semblait inévitable. Sans solution, ils se rendirent au village voisin, quérir les conseils d'un vieux sage. Celui-ci réfléchit, puis hocha la tête : Je ne peux pas résoudre le problème. Tout ce que je peux faire pour vous, c'est vous donner mon vieux chameau. Il est vieux, il est maigre et plus très vaillant, mais il vous aidera peut-être. Les fils ramenèrent le vieux chameau et partagèrent : le premier reçut alors six chameaux, le second trois et le dernier deux. Restait le vieux chameau malingre qu'ils purent rendre à leur propriétaire »…

… « le douzième chameau a redéployé le problème en faisant exister l'inconnue que sa formulation dissimulait. Partager un héritage selon des proportions déterminées demande que la somme des parts proportionnées soit égale à l'héritage. Mais cela ne prescrit pas ce sur quoi doit porter le calcul des proportions. »

En partant de Virginia Woolf et de sa méfiance des institutions, Virgine Despret et Isabelle Stengers « se sont posé la question : qu'avons nous appris, nous les filles infidèles de Virginia qui avons, de fait rejoint les rangs des ”hommes cultivé” ? » (comme l'indique la quatrième de couverture).

Le livre comporte deux parties, l'une d'analyses et de réflexions, l'autre, pourrais-je, dire de ”concrétisation” avec un travail de (re)-formulation des réponses d'universitaires, de femmes n'ayant pas renoncé à « faire des histoires »

Ma connaissance de l'oeuvre de Virginia Woolf est très fragmentaire, je ne discuterais donc pas les propos des auteures. Mais j'en suis pas moins sensible à leur introduction à sa pensée, à la pensée et au genre. « Car le genre ne désigne pas seulement une construction socio-historique, mais une construction asymétrique » ou « Ainsi la catégorie ”homme” est considérée comme un universel, le fait qu'elle ne désigne en fait que 45% de l'humanité est invisibilisé »

Les interrogations des auteures sur la philosophie et la science, me semblent particulièrement bienvenues : « La question d'une science capable de s'ouvrir à des questions qu'elle a traditionnellement jugées comme ”non scientifique” – y compris les questions suscitées par la définition et les exigences d'une carrière scientifique et par la formation des futurs scientifiques – appartient plus que jamais à l'avenir.»

S'appuyant entre autres sur Simone de Beauvoir, Virgine Despret et Isabelle Stengers rappellent la nécessité de « déssentialiser ce que veut dire être femme » et insistent sur la « création d'une transformation du rapport au souvenir », sur les rencontres entre femmes, sur « le personnel est politique », sur le déplacement des axes.

« Parler de nos ”faire autrement”, de nos refus, mais aussi de ces sentiments d'être déplacées, de ces malaises qui attendent toujours au tournant, ne relevait plus du papotage mais d'une ”mise en commun” : pouvoir sentir et dire ensemble : ”Ceci importe'‘. Pouvoir en faire toute une histoire. »

Les différentes interventions, au delà des parcours et des positionnements, des choix, montrent que « nous pouvons résister à l'idée que nous sommes des ”produits finis”. » Une belle invitation à penser.

« Un douzième chameau, cela ne se postule pas. La création un peu différente, qui sépare les ”thèmes” affrontés de leur prétention à définir le paysage, c'est une grâce et un cadeau, non la marque d'un génie personnel » Ce livre fait décidément et heureusement place aux histoires, aux faiseuses d'histoires. « Ne jamais oublier que ce monde oblige à lutter, que rien n'y est ”normal”, et ne jamais arrêter de penser ensemble, de cultiver l'insoumission, y compris à nos propres évidences, les unes avec les autres, par les autres et grâce aux autres, n'est-ce-pas d'ailleurs le sens même de cette aventure sans cesse à reprendre qu'est le féminisme ? »
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