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Citations sur Trois Hommes : Pascal, Ibsen, Dostoievski (1913) (8)

Le mystère de l'amour est celui de la douleur même. Je ne crois que les amours souffrantes. La douleur n'est pas la maladie : la douleur est un enrichissement. Psyché n'aurait pas perdu son Dieu, si elle l'avait réveillé dans l'insomnie de la peine, et non dans le sommeil du plaisir. Moins la douleur, l'amour n'est que l'ombre de lui-même. Les Anciens ignoraient la douleur, puisqu'ils croyaient la vaincre. Et nous, nous devons la sauver. La douleur n'est point le lieu de notre désir, mais celui de notre certitude. Les Anciens sont trop charnels. Je ne prétends pas que nous devions faire élection de la douleur. Tant s'en faut, qu'on doit tout faire pour s'en tirer. Mais il faut la connaître. L'homme véritable n'est pas le maître de sa douleur, ni le fuyard, ni l'esclave : il en doit être le sauveur.
Sur la passion chrétienne qui a tant donné d'échos et de profondeur à la vie, c'est à nous d'élever une vie nouvelle. La grandeur seule en fera la joie. Car, où est la vie, est aussi la joie, même dans les supplices. Vivre, c'est avoir joie, à quelque prix que ce soit. Ni la grandeur, ni la beauté ne sont valables sans souffrance. Ainsi l'homme ne va plus sans une tristesse intérieure, qui donne du prix à tout ce qu'il sent comme la rosée des larmes à un merveilleux visage.
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Je ne dis rien de l'objet de la foi ; l'objet y importe beaucoup moins que la foi même. L'essentiel est que vous ne vous passiez point de foi, et qu'enfin vous y pensiez. Sans la foi, qui oblige le coeur, il faut perdre la vie ou la raison : on ne peut les borner à la prison de la pourriture charnelle. Il est insupportable de voir cette foule d'hommes s'accoutumer à ne rien être qu'un peu de chair qui pourrit sur pied : je l'entends tout ensemble des dévots sans coeur, et des athées sans âmes ; ils ne diffèrent pas plus qu'ils ne se ressemblent. Qu'y a-t-il où la foi n'est point ? - Des miettes de moi, sous la table de la vie. Entre la foi qui nie et la foi qui affirme, pour les âmes fortes il n'est pas de milieu. Entre Dieu et le néant, c'est un abîme immense, dont le fond est unique, et qui offre, de loin en loin, des bords opposés à des étages divers : ou l'on va au fond, ou l'on se tient sur une de ces pointes. Les âmes nulles peuvent seules flotter dans le vide intermédiaire ; et pour légères que soient ces plumes, elles finissent par s'accrocher au bord, ou bien par tomber.
[Propos de M. de Séipse, personnage de Suarès]
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Une femme va-t-elle se plaindre d'être la poupée de l'homme, en rougir et s'en révolter ? Mais que croit-elle qu'il soit ? L'homme est la poupée du destin. Et sans aller jusque-là, le fantoche de la cité, le pantin aux mille idoles froides, qu'il appelle ses idées quand il les vante, et ses lois quand il les hait. O vanité infinie des automates : cassant un ressort, ou changeant un rouage, ils croient changer de nature. On ne peut rien exiger d'un autre être que l'amour. Aimer, tout est là. Qui est aimé est redevable infiniment à l'amour. Et plus encore s'il se peut, qui aime. On vous aimait, poupées, et vous aimiez jusque-là. Voici que vous vous rendez haïssables.
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Plus l'homme est heureux, plus il lui est facile de mourir. Heureux et confiant, cet homme est un enfant qui joue : il ne croit pas à sa mort ; il ne la pense même pas. Il ne croit qu'à l'instant ; et tout instant est vie. Etrange ironie que plus on ait de bonheur, et moins l'on se sente.
L'homme tout en soi, jusque dans l'excès de la joie, médite continuellement la mort. Ainsi il ne peut la souffrir. L'ombre seule, le soupçon, le nom lui en est horrible. La lumière du jour en est obscurcie ; le soleil en est éteint à midi. La pensée cruelle frappe soudain au cœur, besaiguë affilée qui, après avoir tranché dans le vif de l'espérance ; transperce le sentiment même de la possession. L'homme de foi joue au soleil, dans la pleine nuit. Je ne sais point ce qu'elle est, ni où elle se fonde, cette religion : mais certes elle est une bonne lumière pour une foule d'hommes. Elle ôte toute créance à la mort. Je juge de la foi là-dessus. Elle rassure l'agonie, comme une mère apaise la nausée d'un enfant qu'elle purge.
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La mer est un élément capital pour la connaissance des peuples. La mer modèle les moeurs comme elle fait les rivages.
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Les professeurs de morale n'ont pas l'autorité. Et plus ils se fondent sur la raison, plus ils décrient la raison. Ce sont des prêtres sans dieu et sans église : qui les croira ? Leur tempérament fait leur seul principe ; le tempérament contraire le nie, avec le même droit. C'est la morale qui envenime l'anarchie, parce qu'elle la fait passer dans la pratique. A Athènes, à Florence, même à Paris, personne ne croit les sceptiques ; ils ne s'en croient pas eux-mêmes ; on les voit jouir de la
vie au soleil. Mais, dans le Nord, la gravité, la propre pureté distille son poison dans l'épais contentement de la vertu. La morale parait toujours croyable, et prête son air à tout. Si l'esprit est le prince de l'anarchie, c'est qu'il se couronne de morale.
Plus rebelle à toute loi que personne, plus avide d'être libre et plus féru de morale, tel est Ibsen dans son fond.
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Pour ses premières armes, et sans même y faire effort, l'amour tue le moi. Dans la femme la plus pervertie, il lui reste cette force. C'est pourquoi la tentation est si aiguë de faire souffrir les femmes qui nous aiment, — et pourquoi tout bonheur est perdu, si l'on y cède. Ceux qui ont passé par là, ont su, depuis, la grande vengeance du cœur : pas une raison de tourmenter ceux qui nous aiment, qui ne soit folle. Que les femmes soient amères comme la mort : mieux vaut encore souffrir par elles, que de les faire souffrir.
Après tout, la douleur est la marque de l'amour. La pitié vient au cœur pour ce qu'on aime. Amour, à toute force, veut effacer la douleur. Il n'en est qu'un moyen : à soi, qu'amour la prenne. Dans une âme puissante, le désir de la consolation est pareil à la convoitise de la volupté la plus tranchante ; et la soif est égale de bercer une créature dans le bonheur qu'on lui donne, et dans la souffrance qu'on lui fait oublier. Telle est la récompense infinie de l'amour : un oubli de soi.
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L'orgueil de l'esprit ne souffre pas de paix bâtarde. Entre ce qui lui semble juste et le contraire, point d'alliance. Pas de charité. L'erreur n'est point un objet de pitié. Comme tant d'autres, Ibsen du moins n'essaie pas de me faire croire qu'il me dépouille pour mon bien, et que j'en sois plus riche.
La volonté pure, c'est la morale, jusqu'à un certain point ; mais c'est encore plus la loi de fer qui destine les uns à ne rien valoir et à en être châtiés, les autres à avoir un haut prix, à le connaître, et à frapper ceux qui ne l'ont point. Quel que soit, d'ailleurs, l'étalon de mesure. C'est peu que ma force fasse mon droit, elle en fait l'excellence. La volonté pure n'a rien d'humain ; elle est cruelle comme le glaive, et sourde comme la mécanique. Qu'en semble à tous ces professeurs de fade humanité, ivres de vin doux et de raisons abstraites ?
[….]L'intelligence s'attaque aux lois de la morale, comme si c'était un produit de l'esprit. En rien : c'est une nécessité de la nature. La morale est la face visible de la religion. Ruinez la religion ; mais ne vous flattez pas de sauver la morale. Même dans la religion, il n'y a que le tenace, le pressant, l'ardent besoin de vivre. On ne croit pas par raison, mais par nécessité ; et d'instinct : — non pour satisfaire à la logique, mais pour vivre. […]Partout où la vie persiste, la religion remplace la religion, et la morale la morale. Il y a bien lieu de rire et de prendre en pitié cet esprit qui se croit libre : pas plus que le cours des saisons.
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