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Critique de Grifferouge


Après l'Affaire de Roadhill House, voici le deuxième opus de Kate Summerscale qui fait de nouveau une plongée dans un fait divers victorien. Dans La déchéance de Mrs. Robinson, nous sommes en présence d'une femme de la bonne société britannique qui s'ennuie à mourir. Inexistante aux yeux de son mari si ce n'est qu'en tant que porte-monnaie, elle met sur papier ses états d'âme de mère mais surtout de femme. Elle se sent tellement seule qu'elle s'imagine des relations ambigües avec d'autres hommes qu'elle rencontre au gré de sa vie. Amis de la famille, précepteurs de ses fils, tout homme qui semble un tant soi peu isolé et d'aspect « romantique » devient l'objet du désir de Mrs. Robinson.
Pour exemple, le cas du Dr Edward Lane. Ami très proche de la famille Robinson, il est un médecin reconnu et apprécié et est lui-même marié et père de famille. Pendant des années et des années Isabella Robinson va fantasmer sur ce séduisant médecin, bien sous tout rapport et épancher ses sentiments à son égard dans son journal intime jusqu'à ce qu'un jour, le fantasme devienne réalité et qu'ils tombent tous deux dans une passion éphémère.
M. Robinson tombe bientôt sur ces journaux intimes, décide de demander le divorce et bientôt la vie privée d'Isabella est jetée en pâtures aux journaux et autres avocats et médecins précurseurs en matière de psychiatrie. Pourquoi ? Car, dans les années 1850 – 1860, il ne fait pas bon être une femme laissant vagabonder son esprit dans des limbes érotiques ou au moins romantiques. C'est un signe de dégénérescence voire même de folie. Une femme de la bourgeoisie victorienne doit savoir se tenir, être d'agréable compagnie et surtout, doit se plier à toutes les volontés de son époux aussi monstrueux soit-il.
Kate Summerscale nous présente donc de nouveau, sous couvert de rapporter un fait divers « classique » de l'époque, une véritable étude anthropologique de l'Angleterre victorienne. La famille, le cercle amical, les bons usages en société, la nombreuse correspondance que ce doit d'avoir une femme de ce statut, son effacement face à la figure paternelle puis maritale, son hystérie supposée si elle choisi d'avoir une vie sexuelle épanouie : tout est épluché par K. Summerscale.
Et toutes ces informations, nous les devons aux journaux intimes de cette femme et j'avoue, la lecture de cet ouvrage ne m'a pas permis de savoir si il y a une part de vrai dans ce que raconte Mrs. Robinson. Est-elle tellement frustrée dans sa vie de femme qu'elle s'imagine des relations charnelles ou romantiques avec des hommes (plus jeunes qu'elle) ou est-elle sincère dans ses écrits privés et donc a-t-elle eu une relation avec le Dr Lane ? le lecteur ne le sait pas car lors du procès en divorce institué par son mari, elle niera avoir jamais eu de relations avec le Dr Lane mais est-ce pour le protéger lui et sa famille ? Protéger sa réputation de médecin ? Ou bien, elle nie car rien ne s'est véritablement passé entre eux si ce n'est dans l'esprit d'Isabella.
A la lecture de cette histoire, le lecteur est assez ambivalent face au comportement de Mrs. Robinson. On n'arrive pas à savoir si elle est foncièrement stupide à écrire à tout bout de champs ses envies, ses rencontres, ses états d'âme et ses fantasmes (au risque d'être pincée) ou si c'est une affabulatrice de première qui s'est créer un monde de chimères tant sa vie quotidienne est assommante.
Finalement, Mrs Robinson et son supposé adultère ne sont que prétexte pour nous plonger dans l'étude des moeurs de la bourgeoisie sous le règne de Victoria et c'est assez saisissant de constater qu'en ce milieu de XIXe siècle, les Britanniques, tout empreints de sciences en tout genre (médecine en particulier) et champions en matière de révolution industrielle, tentent de faire bouger les choses au sein de la famille en faisant voter des lois plus « justes » pour les femmes notamment, sans pour autant réussir véritablement à ne serait-ce qu'essayer de se débarrasser de ce joug masculaniste écrasant.
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