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Critique de Glaneurdelivres


L'auteur de ce livre, Mariusz Szczygiel, est polonais, journaliste et rédacteur au plus grand quotidien indépendant d'Europe centrale (la Gazeta Wyborcza).
Il a beaucoup d'affection pour ses voisins tchèques (dont il parle la langue), et il a rassemblé dans ce livre différents récits aussi étonnants qu'insolites !
Quant au titre de ce livre « Gottland », il signifie « pays de Gott », donc Tchéquie. C'est le nom donné à un musée près de Prague, à la gloire de Karel Gott, chanteur-vedette tchèque, de renom.

Ces récits nous expliquent comment de nombreuses personnalités tchèques (plus ou moins connues des Occidentaux) ont vécu et subi le totalitarisme et ses dérives.

Cela commence avec l'histoire de la saga Bata et ses célèbres chaussures.
On découvre de quelle façon, cette société va connaître au fil des années, une ascension fulgurante.
Antonin Bata, démarre en 1882, avec un petit atelier de cordonnerie à Zlin, où il emploie 7 personnes, et puis en 1904, un de ces fils, Tomas Bata, va se faire embaucher comme simple ouvrier aux Etats-Unis dans une grosse usine de chaussures… A son retour à Zlin, il va propulser en avant l'activité de la société. Travail et productivité deviennent alors les maîtres-mots de l'entreprise ! Tomas s'avère être un excellent gestionnaire, intelligent, qui sait investir au bon moment, humaniste aussi, mais il a un peu trop d'ego… Il meurt en 1932. Et c'est alors Jan Bata, qui va reprendre les rênes de la société. A partir de de cette année-là, les chaussures Bata conquièrent le monde !
En 1936, le slogan pub de l'année à destination de l'Europe est : « PAS UN PAS SANS BATA ».
Pendant la 2e guerre mondiale, Hitler déclarera : « Les Tchèques sont les plus dangereux des slaves, car ils sont travailleurs. »
En juillet 1939, c'est le Protectorat Bohème et Moravie imposé par les allemands.
Jan Bata va trouver un prétexte pour pouvoir quitter le territoire tchèque…
Plus tard, les communistes feront un procès à Jan Bata pour haute trahison, parce qu'il a fabriqué des chaussures pour les soldats de la Wehrmacht !

Après la guerre, quand les communistes prennent le pouvoir, les autorités tchèques décident en 1949, d'ériger à Prague un monument, le plus grand du monde, à la gloire de Staline, pour fêter ses 70 ans ! Deux ans après la mort de Staline, le monument est mis en place, et le sculpteur se suicide…
Plus tard, en 1961, avec la déstalinisation, initiée par Khroutchtchev, on fera appel à un pyrotechnicien pour détruire cette énorme statue, et celui-ci subit une telle pression de la part des autorités, qu'il met fin à ces jours aussi !

Le groupe de rock psychédélique, The Plastic People of the Universe, le groupe le + persécuté, et le + emblématique de toute l'Europe Centrale, se forme à Prague, 2 mois après l'invasion soviétique.
Ils avaient chanté : « Personne n'est encore jamais arrivé nulle part… ». Cela n'a pas plu au pouvoir communiste en place, qui leur reprochait leur manque total de respect envers le simple travailleur !
Et ils furent jugés en tant que « parasites » !
De nombreux intellectuels sont venus courageusement assister régulièrement aux audiences du procès des membres de ce groupe, et cela a déclenché la création de la Charte 77 par Vaclav Havel.
La Charte 77 symbolisait la force des impuissants. C'était un manifeste qui « prenait la défense des gens privés de leur travail par les communistes et forcés d'effectuer un travail dégradant. »

Pour affaiblir la position de la Charte 77, le pouvoir communiste organise une contre-pétition massive qui sera appelée « l'Anticharte ».
Mais pourquoi donc 76 artistes nationaux, 360 artistes émérites et 7 000 ordinaires ont-ils signé cette Anticharte (alors qu'ils ignoraient totalement le contenu de la Charte 77 !) ?
Pas pour glorifier le régime communiste en place, ni par conviction, mais parce que c'était la seule façon pour eux de sauvegarder leur emploi ! Ils savaient que sinon, du jour au lendemain, ils se seraient retrouvés à passer la serpillière au sol ou à laver les carreaux !
Protester à l'époque, était suicidaire !
Les gens avaient le sentiment + ou – conscient d'être collectivement l'objet d'une menace constante et omniprésente et ils s'étaient lentement accoutumés à ces menaces. Leur seul moyen de se défendre était l'utilisation de + en + banalisée de diverses formes d'adaptations.
Leur signature au bas de l'Anticharte n'était donc pas un acte de lâcheté, mais un acte de condescendance rusée.

Parmi les nombreuses autres histoires, vous apprendrez ce qui est arrivé à Zatopek (ce médaillé olympique légendaire), à l'actrice Lida Baarova (dont Goebbels s'était amouraché), à Jan Prochazka (scénariste tchèque de renom), à Marta Kubisova (la chanteuse star d'un trio), mais aussi à des intellectuels, comme le philosophe Jiri Nemec, la journaliste Eda Kriseova, et Edouard Kirchberger
(Collectionneur de drames), sans oublier Jan Palach, cet étudiant qui s'était immolé par le feu pour protester contre la présence des russes après le Printemps de Prague !
Et puis vous apprendrez ce que signifie « Kafkarna », un mot qu'en 1985 on n'a pas le droit d'employer, qui est prononcé, mais pas écrit nulle part !

En conclusion de ces récits, bien documentés, et riches d'anecdotes intéressantes, il faut comprendre que les tchèques n'ont pas eu l'habitude de se lamenter sur leur sort, alors qu'ils subissaient le Protectorat avec les nazis, puis ensuite le régime répressif communiste pendant de nombreuses années.
Ils sont comme leur symbole national, ce brave soldat Chveik, un modèle d'adaptation réussie !
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