Citations sur La littérature française, Tome 2 : Dynamique et histoire (3)
Il faut penser le roman, tout au long du XIXe siècle, non comme un genre fixé, comme peut l’être la poésie lyrique, la comédie ou le drame, mais comme un processus en continuel développement, un projet collectif dont chaque œuvre représente une avancée, vers un horizon qui recule toujours. Le roman, né de la confusion, ne peut exister que dans le devenir et l’inachèvement.
La littérature moderne, celle qui vise l’exténuation, n’en finit pas d’en finir. Il y a toujours autre chose dont se débarrasser, et le silence essentiel, la fin de la littérature, reste une utopie ou une limite intouchable. La littérature a survécu tout au long du siècle [XXe] à la fois grâce à son idéal et malgré lui, non pas en trichant et dans l’imposture, mais en jouant ou en se jouant.
Avant le XIXe siècle, un écrivain ne se pense pas comme un écrivain « français » ; Descartes, qui meurt en Suède après avoir passé l’essentiel de sa vie en Hollande, ne se glorifiait pas d’être le père de l’esprit cartésien « français » mais le philosophe d’une méthode universelle. Au reste, l’Europe savante des Lumières parle largement le français et la citoyenneté est une notion floue, avant les Etats-nations. L’objet « littérature française » est donc une invention du XIXe siècle, avec effet rétroactif.