Citations sur Kumudini (30)
Postface
(...) La véritable raison (publication très tardive de cet inédit) , me semble-t-il, est que ce roman est transgressif. Il choquait jusque très récemment la mentalité de la bourgeoisie bengalie conservatrice. Il s'attaque en effet à bien des tabous et des conventions. Il montre le mariage arrangé, dans toute sa crudité. (...)
Par ailleurs, la dénonciation de la condition que la société indienne faisait autrefois à la femme y est sans concession. Tagore refuse de vanter le caractère sacro-saint de la femme parfaite, la -sati- **, victime autant d'elle-même que de la société qui lui dénie toute existence individuelle. (p. 357)
France Shattacharya
[**épouse de Shiva...épouse parfaite, entièrement dévouée à son mari, jusqu'à se jeter dans le bûcher funéraire de celui-ci.]
Vipradas comprit que c'étaient les femmes qui manquaient le plus d'estime pour leur sexe. Elles ne savaient même pas que c'était pour cette raison précise qu'il était si facile de leur manquer de respect dans leur foyer. Elles éteignent elles-mêmes les lumières qu'elles portent en elles, se disait-il. Ensuite, elles ne font que mourir de peur et de soucis, sans cesse battues par ceux qui sont indignes d'elles. (...) Non, un être humain ne doit pas accepter tant de disgrâce. Celles que la société dégrade à ce point dégradent, chaque jour, cette même société. (p. 307-308)
Mais on apprit que Madhusudan avait brusquement décidé qu'il emmènerait sa nouvelle épousée le lendemain même du mariage. Ce n'était ni par fidélité supposée à une coutume, ni par nécessité, ni par amour. Ce n'était rien d'autre qu'une manifestation d'autorité. (p. 77)
Il pensait alors que kumu se soumettrait facilement à son autorité, comme les filles ordinaires qui vont jusqu'à aimer leur dépendance. (...)
Il réfléchissait au moyen de vaincre la force d'une faible femme. (p. 129)
Donc, fais bien ce que tu as à faire et ne me cause pas d'ennui.
- Que veux-tu dire par pots cassés ?
- Il nous renverra à Rajabpur. Il me menace de temps en temps de nous faire repartir au village.
-Il te fait peur parce que tu as peur. (p. 132)
Les goûts de luxe de Mukundalal, inhérents au mode de vie de son époque, entraînaient des dépenses considérables qui faisaient son prestige. (...)
De part et d'autre, tout était calculé avec justesse, aussi bien la générosité que l'arrogance. (p. 24)
Kumu n'avait jamais pensé une seconde que le mariage fût une affaire de goût personnel. Depuis son enfance, elle avait vu ses quatre soeurs se marier l'une après l'autre. (...) Elles ne se révoltaient pas quand elles avaient du chagrin. Elles ne pouvaient pas imaginer qu'il pût en être autrement. (p. 48-49)
A ceux qui naissent solitaires, il faut un ciel sans limite, une vase retraite et, au centre de tout cela, un être qu'ils puissent aimer et vénérer de toute leur âme.
Au sein des familles riches les traditions sont installées comme dans une forteresse solidement bâtie, la modernité doit passer par bien des vestibules avant d'y pénétrer, et c'est avec beaucoup de retard que leurs membres parviennent à l'âge nouveau. (p. 22)
Dès que Kumu pénétra dans la chambre, Madhusudan fut incapable de se contenir : ‟Tu arrives avec l’habitude de t’évanouir, comme chez ton père ? Mais, chez nous, ici, ça ne marche pas. Tu devras perdre ces manières […]”. Les yeux grands ouverts sans ciller, Kumu garda le silence. Elle ne dit pas un mot.