Citations sur Au pays du mufle (7)
Sous vos pieds légers, sous vos pieds de soie,
Sous vos pieds plus doux que l'air d'un beau soir,
Sous vos pieds qui font éclore la joie
J'ai mis mon espoir.
Barcarolle
Sur le petit bateau-mouche,
Les bourgeois sont entassés,
Avec les enfants qu’on mouche,
Qu’on ne mouche pas assez.
Combien qu’autour d’eux la Seine
Regorge de chiens crevés,
Ils jugent la brise saine
Dans les Billancourts rêvés.
Et mesdames leurs épouses,
Plus laides que des empouses,
Affirment qu’il fait grand chaud
Et s’épaulent sans entraves
À des Japonais — très graves
Dans leurs complets de Godchau.
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Dîner champêtre
Entre les sièges où des garçons volontaires
Entassent leurs chalands parmi les boulingrins,
La famille Feyssard, avec des airs sereins,
Discute longuement les tables solitaires.
La demoiselle a mis un chapeau rouge vif
Dont s’honore le bon faiseur de sa commune
Et madame Feyssard — un peu hommasse et brune,
Porte une robe loutre avec des reflets d’if.
Enfin ils sont assis ! Et le père commande
Des écrevisses, du potage au lait d’amande,
Toutes choses dont il rêvait depuis longtemps.
Et, dans le ciel, couleur de turquoises fanées,
Il voit les songes bleus qu’en ses esprits flottants
A fait naître l’ampleur des truites saumonées.
p.65
Ballade des ballades
Tous les almanachs portent
les marques de sa muse.
Rivarol.
Tel Macrobe, ce doux gaga
Déjà trop mûr pour Proserpine,
Tel Nana-Saïb qu’élagua
La béate chauve et rupine,
Tancrède, Marseillais, opine
Et propage ce rythme qu’on
Engrosse comme une lapine :
Tancrède Machin est un sot.
La Ballade ! Ô cieux ! Quel zinc a
Celui qui plante cette épine !
Point n’est besoin de seringa,
De violette cisalpine.
Tancrède a la face poupine,
Il estime l’amer Picon.
La mouche fuit quand il jaspine :
Tancrède Machin est un sot.
Du fleuve Amazone au Volga,
D’Asnière à l’Île Philippine,
Quel primate se distingua
Plus que Tancrède en la rapine
Oraculaire et turlupine ?
Que gardé soit-il du boucon,
De l’arsenic, de l’atropine !
Tancrède Machin est un sot.
Envoi
Prince, dont l’engeance vulpine
Craint les dogues et le faucon,
Besogne dru, mange et popine :
Tancrède Machin est un sot.
p.64
Ballade
touchant l’ignominie de la classe moyenne
Il faut compisser les bourgeois.
Georges Fourest.
Croutelevés et marmiteux
De Nevers, de Chartre ou de Tulle,
Spatalocinèdes piteux
Couverts de gale et de pustule,
Ce bourgeois qui récapitule,
— Étant ladre mais folichon, —
Le quantum de votre sportule,
C’est de la viande de cochon.
Philistins gâteux, ce sont eux,
Les miteux, que chacun gratule,
Malgré leurs gestes comateux,
Leur ventre et leurs doigts en spatule !
Gazons ceci de quelque tulle :
Ô Pétrone ! faut un bouchon
Quotidien dans leur fistule.
C’est de la viande de cochon.
Tous, notaires galipoteux,
Monteurs de coups et de pendule,
Dentistes, avoués quinteux,
Tous, le jobard et l’incrédule,
Violent, moyennant cédule
Et tous, pour ne payer Fanchon,
Citent les Devoirs de Marc-Tulle :
C’est de la viande de cochon.
Envoi
Roimez, le singe de Catulle,
Paul Gébor et madame Chon,
Nana-Saïb et sa mentule,
C’est de la viande de cochon.
p.58
Ballade de la génération artificielle
Méphistophélès. — Un homme ! Et quel couple
amoureux avez-vous donc enfermé dans la cheminée ?
Wagner. — Dieu me garde ! L’ancienne mode
d’engendrer, nous l’avons reconnue pour une véritable
plaisanterie. — … Nous tentons d’expérimenter
judicieusement ce qu’on appelait les forces de la Nature ;
et ce qu’elle produisait jadis organisé, nous autres, nous
le faisons cristalliser.
Gœthe. — Le second Faust.
Wagner, chimiste qu’exténue
Le grimoire du nécromant,
Distille, au fond de sa cornue,
La salamandre et l’excrément,
Et le crapaud que, doctement,
Assaisonne la verte oseille.
Pour que soit clos, en un moment,
L’homuncule dans la bouteille.
Catarrheux, il étreint la Nue.
Fi de la Belle-au-Bois-Dormant !
Fi de la galloyse charnue,
Du mignon et de la jument !
Gaûtama ! le renoncement
Absolu que Ton Doigt conseille
Préside à cet accouchement :
L’homuncule dans la bouteille.
Plus de vérole saugrenue !
Plus d’argent-vif ou d’orpiment !
Hélène, avec sa beauté nue,
Intoxique le jeune Amant.
… vous donc tout simplement,
Au coin du feu, sous une treille ;
Puis décantez modestement
L’homuncule dans la bouteille
Envoi
Fleur des gitons, Prince Charmant,
Nonpareille est cette merveille
Offerte à votre étonnement :
L’homuncule dans la bouteille.
p.56
BALLADE
SUR LA FÉROCITÉ D’ANDOUILLE
Le Serpens qui tenta Eve estait andouillicque, ce non obstant est de luy inscript qu’il estait fin et cauteleux sus tous aultres animans. Aussi sont Andouilles.
Pantagruel, livre IV, chap. xxxviii.
Loups-garous, stryges et harpie,
D’aucuns ont un mufle camard ;
Chez d’autres le groin copie
Estramaçon ou braquemard.
Empouse, lion de Saint-Marc,
Amphiptère jamais bredouille,
Crocute aux pinces de homard,
Qui plus est maupiteux ? L’Andouille.
Ogresse léchant sa roupie,
Babeau vêtu de poulemart,
Fane aux yeux clairs et malepie,
Caciques de Gustave Aymard,
Les Cauchemars goûtent comme art
Extasié la bonne « douille ».
Mais, du brucolaque au jumart,
Qui plus est maupiteux ? L’Andouille.
Chimère aux sables accroupie,
Nains cagneux supputant le marc
Du teston ou de la roupie ;
Voici, malgré Pline et Lamarck,
Entre Suresnes et Clamart,
Voici l’étrange niguedouille
Frémine avec son galimard.
Qui plus est maupiteux ? L’Andouille.
ENVOI
Prince, banneret, jacquemart,
Ferlampier et coquefredouille,
Rifflandouillez sur le trimard.
Qui plus est maupiteux ? L’Andouille.