Citations sur Okuribi : Renvoyer les morts (23)
A la fin des cours, les garçons passaient de nouveau leur temps à jouer aux cartes. Ces cartes hanafuda au dos noir, avec leur boîte en bois de paulownia ornée d’un tengu (créature divine représentée avec un masque rouge au long nez et aux ailes de corbeau) et de chrysanthèmes, étaient apparemment un héritage que leur avaient laissé les anciens élèves.
Au-delà du parapet, les lanternes étaient suspendues de poteau en poteau le long de la rivière et, se remémorant la coutume dont lui avait parlé Akira, Ayumu s’arrêta. Quand Akira racontait qu’ils déversaient du feu dans la rivière, faisait-il allusion au tôrô nagashi, cette cérémonie où l’on met à l’eau des lanternes de papier en l’honneur des morts ?
Peut-être à cause du choc sur la tête, il n'entendait aucun son. Seul le bruit du courant résonnait avec une étrange netteté dans ses oreilles. Loin derrière ce ruissellement, par intermittence mais de manière certaine, on jouait un instrument. A force d'écouter la mélodie, il sentit de nouveau son estomac se contracter et il vomit.
Lorsqu’il parcourait le sentier au crépuscule, il sentait parfois souffler depuis la montagne de la Forêt-Noire un vent tiède, comme coloré. Il avait l’impression que ses joues, sa nuque et ses bras nus se teintaient de la couleur de ce vent du soir. Il était pris d’une étrange sensation, comme si sa peau bruissait, comme si son cœur portait une vague inquiétude, mais tout cela était agréable en même temps. Les montagnes cramoisies, les insectes d’été sur les sentiers longeant les rizières, le coassement des grenouilles, l’odeur de la terre et de la boue faisaient naître cette illusion en lui. Ou peut-être, en tant qu’étranger, était-il sensible à quelque chose que recelait le vent. Pour les habitants de cette région, ce devait être une évidence que le vent portait des couleurs.
Au delà du parapet,les lanternes étaient suspendues de poteau en poteau le long de la rivière et,se remémorant la coutume dont lui avait parlé Akira ,Ayumu s'arrêta. (Page 7).
Il leva les yeux : la neige venait des montagnes au nord-ouest, au-delà de la rivière, et semblait descendre en s'écoulant sur le hameau. Des enfants de l'école primaire levaient les yeux au ciel epuis le bord de la route et s'écriaient, excités : Le vent a fleuri ! Le vent a fleuri !Tout en les regardant du coin de l'oeil, Ayumu fut touché par la pauvreté de leur vocabulaire. Mais alors qu'il s'apprêtait à monter la côte qui menait à sa maison, les flocons de neige blancs dans le ciel bleu devinrent aussi gros que des pétales. Ce n'était pas forcément une erreur que de dire "Le vent a fleuri".
Le jour du vol, il avait craint que ces garçons soient le genre de voyous qu'il s'était bien gardé de fréquenter jusqu'ici, mais au bout de quelque temps, il comprit qu'il s'était trompé. Ils bavardaient joyeusement pendant les pauses, faisaient du foot dans la cour après la cantine et jouaient un peu aux cartes après l'école. C'étaient des collégiens ordinaires, comme dans toutes les écoles qu'il avait déjà connues. (p. 26)
Même sur ces terres, il était parvenu à s'acclimater, à s'assimiler à sa classe et à s'intégrer dans un petit groupe. Il avait même obtenu le poste de vice-délégué. Comment avait-il atterrit dans ce chaos ? (p. 113)
Les jeunes pousses pleines de rêves avaient grandi et, à présent bien touffues, elles portaient les fruits trop mûrs de leur violence.
Les mots qui errent près des monticule, des carrefours et des ponts, faut pas y tendre l'oreille. Parce que les mots, ils influencent les hommes.