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Critique de MassLunar


Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour l'envoie de ce roman japonais qui fut récompensé par le prestigieux prix Akutagawa. C'est toujours agréable de découvrir une littérature issue d'autres horizons.

Okuribi est un titre à la fois curieux, prenant et déroutant. le roman nous raconte une simple histoire, celle du déménagement d'Ayumu, un jeune collégien dont le père est en mutation au nord du Japon dans une petite ville reculée. Pour le jeune tokyoïte , le changement pourrait paraître radical mais, au final, Ayumu y est plus habitué que résigné. le jeune homme a déjà changé plusieurs fois de collèges suivant les mutations de son père. Toujours est t-il que Hiroki Takahashi ne va pas simplement nous conter les ballades du jeune Ayumu dans la campagne. Il n'est pas question de se focaliser sur le changement de cadre mais plutôt de nous conter une page du quotidien pour un jeune collégien qui se retrouve confronté à l'harcèlement à travers des jeux enfantins de plus en plus redoutables.

Dans Okuribi, il y a une sorte de douceur amère qui hante le roman jusqu'à la crise finale. Il y a le mélange d'une mélancolie typique que nous pouvons retrouver dans les souvenirs d'enfants qui est associé avec l'amertume des souffrances adolescentes, à travers notamment le cas du harcèlement scolaire. La douceur s'exprime par le style de l'écrivain. Pas de surenchère au niveau du style, il y a une belle retenue qui pourtant nous emporte avec une description précise et jamais lourde. C'est propre, c'est net tout en dégageant un certain affect à travers l'oeil presque blasé du personnage principal. On peut saluer la traduction de Miyako Slocombe qui s'accorde parfaitement au ton à la fois calme et glacial du livre. Une douceur-amère qui s'exprime aussi par le sujet avec un mélange entre nostalgie et souffrance. Ainsi , nous lisons des passages mélancoliques et paisibles emprunts de poésie comme une mère et son fils découvrant le contenu secret d'une grange, un repas un peu étrange partagé avec une vielle dame... Ces scènes d'un quotidien banal et tranquille vont côtoyer le non-dit et la tension de jeux d'enfant de plus en plus inquiétants jusqu'au final choquant qui vous laissera totalement démuni...
Mais , même , quand il parle d'harcèlement, Hiroki Takahashi ne tombe pas inutilement dans la surenchère. Nous ne sommes pas dans une démonstration de "force" du harcèlement façon "ijime" comme nous pouvons le voir dans des manga par exemple où la victime est vraiment seule et désemparée face à un groupe mené par un sadique. Dans Okubiri, c'est plus compliqué que cela. Déjà, le cadre n'est pas le même. L'écrivain nous présente un lieu isolé, presque hors-du temps, dans un bout de province au nord du Japon qui semble légèrement coincé vers le passé sans tomber dans le cliché facile de la misère rurale. Cependant, c'est un quotidien qui laisse apparaître un sentiment de morosité pour les collégiens qui brisent cette ennui avec d'abord un jeu de cartes anodin dans lequel le perdant devra effectuer une tâche pour le groupe. C'est ce jeu de carte qui hante perpétuellement le roman et qui est le déclencheur des scènes d'harcèlement. Hiroki Takahashi traite parfaitement du pire grâce à l'anodin, grâce à la subtilité d'un geste, d'un trucage, d'une manipulation qui s'avère de plus en plus menaçante.
Okuribi est un titre qui évite adroitement les sentiers faciles, qui empruntent des sentiers beaucoup plus nuancés à travers un calme apparent et désemparant. Un très bon roman sur l'adolescence, sur une jeunesse qui semble condamné à répéter l'harcèlement telle une sinistre fête annuelle.

C'est un roman que je conseille chaleureusement à celles et ceux qui recherchent un livre tout simplement différent, un roman qui jongle avec nos émotions tout en nous poussant doucement dans nos retranchements. C'est un livre qui se lit d'une traite mais dont la lecture reste bien présente en mémoire... aussi impactant qu'un souvenir de jeunesse.
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