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Critique de berni_29


L'autre jour, dans mon jardin, à la faveur d'une journée ensoleillée qui annonçait le printemps à venir, un rouge-gorge si peu farouche rassemblait des brindilles, des morceaux de feuilles pour commencer à construire un nid. Nous le contemplions, un de mes chats et moi, avec sans doute des regards différents, des intentions opposées. J'éloignai de cette touchante et fragile scène le tendre félin, non pas pour en être le seul spectateur privilégié mais je sentais dans le ronronnement faussement bienveillant les prémices d'une convoitise qui ne m'inspirait guère.
Mon père m'a souvent dit que le rouge-gorge est l'ami du jardinier et l'inverse aussi.
C'est avec ce regard d'amitié que je suis entré dans ce recueil, Dans un fracas de plumes.
Mon premier battement d'ailes fut celui-ci :
« Un oiseau ne volera jamais deux fois dans le même ciel
Jamais une même lumière ne t'atteindra »
Hadassa Tal, poétesse israélienne, c'est tout d'abord l'histoire d'une petite fille de six ans en admiration pour son père qui pratique la peinture. Les oiseaux qu'il peint la laissent muette et fascinée.
« Un volet en bois blanc est incliné vers le mur, en sa partie arrière – des mots. Je me dépêche de regarder. Tout en moi est calme. Silence, pas un mot, papa peint une fauvette. Si quelqu'un entrait par hasard dans la pièce, il penserait qu'elle est vide. Deux surfaces blanches et la main qui dessine. C'est l'écriture intérieure. de là je suis née. »
Plus tard elle a essayé à son tour de peindre des oiseaux, sans y parvenir. Alors un jour elle a ouvert un cahier et sur le fil des mots sont venus se poser des oiseaux... La page blanche est devenue comme une toile qui attend, qui se donne comme un ciel.
Ce sont les gestes de son père qu'elle a alors reproduit d'une autre manière, la poésie et l'oiseau ne faisant brusquement plus qu'un.
D'une page à l'autre, un chant se fait alors entendre.
« En chaque oiseau chante un oiseau
Le premier n'a pas de nom »
Dans le fracas du monde, la poésie console, apaise, guérit, ne referme peut-être pas les blessures, mais les soigne.
« Un colibri
enflamme
les ombres bleues en secret
ne siffle qu'une fois
et sombre
à la renverse
devant moi »
Ce recueil est une volière de grâce, de douceur et de légèreté.
Le colibri, plus petit oiseau du monde... D'une goutte d'eau portée en son bec il peut faire naître l'espoir, d'un battement de ses ailes vient une caresse...
Ces poèmes disent la tendresse des feuilles, la solitude des ailes, une plume contre le vent, des mots et des oiseaux comme des sentinelles devant le bruit des larmes et des armes.
Comment apprendre la légèreté lorsqu'on trébuche, comment apprendre à s'envoler dans la pesanteur tragique qui colle aux jambes, aux jours devenus sombres ?
La poésie de Hadassa Tal devient alors l'évidence de l'espace.
On peut devenir oiseau de multiples manières, se suspendre sur l'arête d'une falaise abrupte, venir à l'océan et faire venir le bruit des oiseaux dans son coeur, ou bien entrer dans le frôlement des pages d'un livre.
Je l'étais sans doute déjà un peu, je suis devenu oiseau en lisant ces vers, loin encore j'espère de battre de l'aile, du moins tant que la poésie me fera tenir debout.
Dans un an ou deux, relisant ce billet, je sourirai peut-être de sa naïveté. Je sais que le monde aussi aura changé.
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