Citations sur À corps perdu (21)
Dans la police, les ressources humaines ne se font pas au cas par cas. Nous sommes tous des numéros à six chiffres qui ne servent qu'à remplir les cases des chefs de service. Et peu importe que ce numéro soit surqualifié pour le poste, ou l'inverse. Tant qu'il remplit la case, il ne bouge pas.
Je ne pense qu’à une chose : s’il s’agit d’une revanche personnelle, rien ne dit que les ravisseurs se contentent de s’en tenir à leur mode opératoire. L’argent a ses règles, la colère beaucoup moins.
Une situation de crise peut vous faire apprendre des choses insoupçonnées à propos des gens que vous croyiez connaître le mieux au monde. Cette nuit a amené son lot de surprises. La première, c’est que mon grand frère est capable de faire la route depuis Le Mans pour venir prêter main-forte à un beau-frère qu’il déteste. La seconde, c’est que l’homme avec qui je partage ma vie a planqué plus d’un million d’euros sur un compte en banque dont j’ignorais l’existence, domicilié dans un paradis fiscal.
Elle est belle, intelligente, drôle, on fait le même métier. Dans une autre vie, j’aurais pu tomber amoureux d’elle. Nous aurions acheté une très belle maison en banlieue, aurions fait de beaux enfants et réussi une jolie carrière. Mais je suis incapable d’avancer correctement. Comme si un caillou pointu dans ma chaussure rendait ma démarche claudicante. Ce caillou s’appelle Pauline Raumann, et c’est peut-être la mère de mon fils.
S’il y a bien quelque chose que mes vingt ans de police m’ont appris, c’est qu’il ne faut jamais croire un criminel sur parole. Si vous décidez de payer la rançon… À partir du moment où ils auront reçu l’argent qu’ils demandent, votre fils ne leur sera plus d’aucune utilité.
Tous les flics ont leurs secrets, leurs zones d’ombre. Certains aiment trop les filles, d’autres la poudre. Mon secret à moi, c’est que je sors sur le terrain sans chambrer ma cartouche. Mes collègues ne le savent pas, mais je suis à une seconde de plus qu’eux d’être opérationnel. Aujourd’hui, ma vie compte moins que mon erreur, et je préfère me faire trouer la peau plutôt que de la reproduire.
Il me scrute pendant trois longues secondes. Comme un animal qui cherche la peur dans les yeux de sa proie. Je pense à Gabriel. Ce carriériste insipide cherche à jouer à qui a la plus grosse alors que la vie d’un gosse est en danger.
Nous nous étions rencontrés sur un reportage en Indonésie un an auparavant. Il était beau, célibataire, sans enfant, et j’avais immédiatement succombé à son charme. Ce qui devait au départ n’être qu’une histoire sans suite s’était vite transformé en une relation sérieuse quand j’avais constaté l’intérêt que Lionel portait à Gabriel, et réciproquement. Six mois plus tard, il prenait la tête du journal et, pour fêter ça, me demandait en mariage. Après les noces, nous avions décidé de retourner à Bali pour retrouver le cadre idyllique de notre rencontre. J’ignore à quel moment les choses ont commencé à se détériorer. C’est un changement subtil, imperceptible et pourtant fondamental. Comme un glissement de terrain. Des plaques tectoniques qui se déplacent peu à peu, creusant un fossé que d’abord on ne voit pas, et qui un jour nous apparaît comme infranchissable
Ce genre de sourire m’énerve parce que je sais qu’il est fait pour cacher l’impuissance des enquêteurs dans un dossier qui n’avance pas d’un iota. Je refuse qu’on me le serve aujourd’hui. Je suis de l’autre côté du miroir, comme si je matais la parade de Disneyland après avoir passé quinze ans à me maquiller en prince charmant dans une loge cradingue. Il retire sa veste. À sa ceinture, son Glock me fait de l’œil. Un vrai mec de la BRI. Toujours prêt à ce que ça canarde, même pendant qu’il se tape un faux-filet.
Cinq ans que je me tue à lui dire que sa galanterie ne sert qu’à nous faire perdre du temps au moment de passer les portes. Et, accessoirement, à m’agacer. Je ne suis pas une femme à qui on porte sa valise, et je me fiche éperdument de rentrer en premier, en deuxième ou en douzième dans l’ascenseur.