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Critique de Sachenka


Curieuse oeuvre que cette Histoire secrète du sire de Musashi que nous livre Junichirô Tanizaki. L'auteur veut nous faire connaître un guerrier japonais imaginaire du XVIe siècle, Terukatsu Hôshimaru, fils ainé du seigneur de Musashi. Pour se faire, la narration est truffée de citations et réfère à différentes chroniques, toutes aussi imaginaires les unes que les autres. L'idée est assez originale et, au final, très réussie.

Alors qu'il est encore très jeune, Hôshimaru est envoyé à titre d'otage auprès du seigneur Tsukama Ikkansai afin d'assurer la loyauté de son père. Pratique assez courante à l'époque. Donc, il grandit au château d'Ojika mais très rapidement la cité est prise d'assaut par un puissant voisin, le seigneur Yakushiji. le garçon de treize ans est alors témoin d'une étrange pratique : la « tête de femme ». Cette pratique consiste à couper le nez d'un adversaire sur le champ de bataille pour mieux en retrouver la tête par la suite. C'est le début d'une fascination morbide. Pour plaire à la gens féminine du palais, il décide un coup d'éclat : tuer le seigneur Yakushiji. Il réussit à se faufiler dans le camp adverse et à accomplir sa mission mais il lui est impossible de ramener la tête pour prouver son fait d'arme. L'histoire du nez coupé lui revient à la mémoire et il tranche honteusement l'appendice nasal.

Malheureusement, impossible de faire valoir son trophée : l'armée de l'envahisseur, privée de son chef, se retire et, afin de sceller la paix entre les adversaires, un mariage entre les deux familles est célébré. Tsukuma Norishige épouse dame Kikyô, fille du seigneur Yakushiji. Pour le jeune Hôshimaru, jusque-là maître de lui et de ses émotions, c'est trop. Mais les années passent et des désirs inassouvis font surfaces, un goût pour le morbide continue à se développer. de toutes façons, dans un monde cruel et violent, qu'est-ce que le mal ? Éventuellement, il accède à la majorité, devient un guerrier reconnu et prend le nom de Kawachi-no-suke. Surtout, il s'éprend d'une passion incommensurable pour dame Kikyô, laquelle entend se servir de lui pour venger de l'affront fait à son père. le jeune homme s'enfonce toujours davantage pour satisfaire sa dame. Lorsque des soupçons commencent à peser sur lui, il retourne auprès de son père et épouse la jeune et innocente Shôsetsu-in. Privé de l'amour charnel auquel il avait goûté, il se laisse aller dans des débordements violents d'une rare perversité.

Plus l'intrigue se déroule, plus on comprend pourquoi l'histoire du sire de Musashi est si secrète. Des complots le ramènent sur le chemin de Norishige et de dame Kikyô, mais rien ne peut entraver la marche sur laquelle il s'est lancé. Ouf ! Junichirô Tanizaki a livré une oeuvre… dérangeante et envoûtante à la fois. Cet intérêt pour la sexualité est d'ailleurs très présente dans beaucoup de romans que l'auteur a écrit vers la fin de sa vie. Toutefois, deux défis attendent le lecteur : d'abord, se faire une tête de tous ces noms japonais (prénoms, patronymes, surnoms, désignations par les lieux, etc.) ; ensuite, s'habituer aux éléments pervers et violents toujours plus impressionnants. L'appréciation de ce livre s'acquiert avec le temps…
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