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Critique de sebthoja


C'est ici que le voyage commence

Roissy-Charles de Gaulle. Terminal 2. Dans les couloirs d'un des plus grands aéroports du monde, une femme seule déambule, tirant une valise à roulette, l'air assuré, elle semble se diriger vers la porte d'embarquement d'une destination inconnue.

Les aéroports n'existent pas. Ce sont des lieux de passage, dans lesquels on ne reste pas. Pourtant, peu le savent, des personnes y vivent des mois, parfois des années. Cette idée pourrait presque paraître inimaginable pour beaucoup, tant ces lieux de départ sont impersonnels. Invisibles presque, tant on ne les regarde pas. Antichambres de destinations exotiques et exaltantes, ils en deviennent transparents dans nos yeux de personnes qui n'ont pas à se soucier de savoir quoi manger ni où dormir.


Dans l'immensité du monde

Rio, Édimbourg, Santiago du Chili, Marrakech, Zurich, Cincinnati, Malaga, Vienne, Venise, Marseille, Lyon, Milan, Shanghai. Montréal.

L'aéroport est une porte ouverte sur le monde. Ses grandes façades translucides laissent passer une lumière qui nous éblouit, celle des espoirs avant les départs. Si on ne prête guère d'attention à ces longs corridors froids et artificiels, c'est parce que l'on pense déjà à notre arrivée dans la destination vers laquelle on se dirige.

Transparente, c'est ce que doit être la narratrice. Une « indécelable ». Se fondre dans la masse des voyageurs, faire comme si elle était entre deux vols, comme si elle savait où elle allait.

Surtout ne pas se faire remarquer des vigiles, du personnel navigant ou au sol, ni même des personnes qui attendent et qui pourraient la dénoncer.

Jouer à être une passagère. Simuler : une valise à la main, une assurance affirmée dans chaque pas, et marcher, marcher sans cesse, presque sans s'arrêter. Rester assise trop longtemps au même endroit la trahirait dans les yeux des caméras de surveillance omniprésentes.

« Jouer à celle qui habite quelque part ». Jusqu'à quand ?


Renaître au monde et à soi-même
Poétique, l'écriture de Tiffany Tavernier l'est assurément. Engagé dans le réel également. Sa manière de nous embarquer dans cette histoire insolite est captivante, car la narratrice n'est pas seulement une SDF qui doit tout faire pour se cacher, elle est aussi une femme à la recherche de son passé. Amnésique, elle ne sait plus qui elle est. Elle va ainsi instituer des sortes de rituels pour tenter de la ramener dans la réalité.

Se rendre chaque jour à l'arrivée du vol Rio-Paris, en mémoire du vol AF447 perdu en mer en 2009, et dont plus de la moitié des corps ne sera pas retrouvée. C'est là qu'elle rencontrera un homme qui attend lui aussi, mais pas pour les mêmes raisons qu'elle.

Car dans ce monde insoupçonné de la précarité et des laissés-pour-compte, des relations se font et se défont, des histoires d'amour et de passion.

« Comme si la proximité des avions élargissait les coeurs ». L'observation des décollages et des atterrissages est propice aux rêveries et à la contemplation. C'est ce à quoi nous invite l'auteur dans son très beau roman : une invitation au voyage, pour une femme qui a déjà pas mal couru le monde. À 18 ans, elle part pour l'Inde et s'y établira plusieurs mois entre splendeur et misère, qui lui inspireront son premier roman Dans la nuit aussi le ciel. Puis ce sera l'Arctique, et une nouvelle publication : L'homme blanc.
Roissy est son huitième roman, assurément une belle surprise de cette rentrée littéraire.

Étourdissant et fascinant, préparez-vous au décollage !

Lu en septembre 2018.

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