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Citations sur Roissy (75)

Ici, je suis en sécurité. Personne ne peut me trouver, pas même ce type croisé devant les portes du Rio. Qui, à la surface, pourrait imaginer que des hommes ont choisi de vivre à plus de huit mètres sous terre dans ces galeries souterraines ? Boyaux qui se déploient sur des dizaines et des dizaines de kilomètres sous l'aéroport. Vlad m'a confié un jour y avoir marché plus de sept heures sans en avoir jamais vu le bout. Lui, c'est dans les conduits de la galerie électrique qu'il a élu domicile. Juste en dessous passe la « fluide », où s'écoulent tous les liquides, mais, dans celle-là, on ne vit pas.

Page 83, Sabine Wespieser, 2018.
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Marcher. Toujours marcher. Quarante-huit heures sur place ont suffit pour que j'intègre l'information. Marcher, oui. Sans cesse. Seul moyen de ne pas se faire repérer par l'un des mille sept cents policiers affectés à la sécurité ou par l'une des sept cents caméras qui, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, filment les allées et venues de tous. Marcher, aller d'un bout à l'autre des aérogares, revenir sur ses pas. Tourner en rond, quoi, car ici l'ensemble des modules des terminaux ABCDEF forment un immense 8. Se fondre dans la foule en tournant sans fin pour me protéger des regards, ceux des SDF dont je ne veux surtout pas faire partie, ceux des policiers, ceux des opérationnels enfin, plus de cent mille personnes ici.

Page 63, Sabine Wespieser, 2018.
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Une passagère, voilà ce que j’étais. Une voyageuse anonyme comme les quatre-vingt-dix millions d’autres qui, tous les ans, arrivent, transitent ici. Pressée, il fallait que je sois pressée face à sa détresse. N'avais-je pas un avion à prendre ? Réajuster ma queue de cheval, faire volte-face, partir. Trouver un vol, n'importe lequel. Me diriger vers la bonne porte d'embarquement. Le planter en somme. Le laisser face au miroir, comme n'importe quelle voyageuse le ferait, parce qu'il n'est plus question de « cela» quand on part. Un peu de monnaie à la rigueur, sauf que je n'ai pas un sou en poche. Vraiment rien. Alors demi-tour. Mais il me bloque le passage, moi, la femme aux yeux verts, valise à roulettes trouvée devant un taxi G7, moi, celle qui pourrait être mère de famille, businesswoman, touriste.

Pages 61-62, Sabine Wespieser, 2018.
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A peine entré dans la boutique, un Asiatique, quarante, quarante-cinq ans, en partance pour Hong Kong, désigne le Château Pétrus millésimé 1985. Thierry lui annonce la couleur : 1 990 euros. Le passager réfléchit pas plus de trois secondes, répond que c'est parfait. Thierry demande si c'est pour un cadeau, et là, le type l'arrête. 1 990 euros, ce n'est pas assez, il lui reste un peu plus. Il sort alors une liasse de billets qu'il se met à compter. Allez hop ! Va pour un Château Yquem 1996 ! Le type paie, et là, c'est le bouquet ! Juste avant de sortir, il se retourne et confie, tout heureux : "C'est pour ma soeur, elle adore le bon vin pour faire ses vinaigrettes."
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Il faut qu’il voie cela, qu’il entende cela, ce moment précis où les roues, dans un vacarme assourdissant, heurte de plein fouet le sol et où la terre, sous les pieds, tremble, explosion du monde, furie du monde, la terre, le corps, le chagrin de nos corps, percuté, scindé, freins, crissement des freins, gerbes de neige qui s’élèvent dans tous les sens.
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Bouffée d'air glacial. Neige.
Eblouie, je contemple le monde devenu entièrement blanc. Tout est soudain si parfaitement beau et calme. Ne plus bouger, mourir ici. Les flocons se posent avec une telle délicatesse sur mon corps. Bientôt, j'en suis recouverte, et c'est comme d'entrer de plain-pied dans l'absence.
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Pourquoi ne suis-je pas une pierre ? Quelque chose qui ne parle pas, qui ne ressent pas, qui ne s'effrite pas ?
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Je lève les yeux sur le Concorde plaqué au sol. Il aimerait tant repartir, lui aussi, revivre ces années de faste où il était le roi. Nez légèrement pointé en avant, carlingue braquée vers le ciel, il semble attendre ce signal de départ que plus jamais personne ne lui donnera. Qu’importe, il attend.
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Tracer un cercle dans la neige. M'asseoir en son centre. Dresser tout autour une muraille transparente et rester là, sans plus bouger ni rien ressentir, parce que sentir fait trop violence ici. Pendant ce temps, le monde brûlerait. Il brûle d'ailleurs mais je ne m'en souviens plus. Poser le menton en appui sur les genoux, tracer un deuxième cercle, à l'intérieur de soi cette fois, en retirer tout matière, puis entrer dans ce vide où les avions, les hommes, les petites filles, l'oeil des vigiles, les hurlements, sans aucun bruit tournoient. Enfin, ne plus penser à rien, pas même à ceux qui, en ce moment , face aux portiques de sécurité, vident leurs poches, dociles, et retirent leurs chaussures. Serrer les bras autour des genoux. Eteindre tous les écrans. Ne plus voir ni écouter. Plonger à l'intérieur de ce silence où jamais les avions ne s'écrasent, ni les maisons ne disparaissent et où je m'enfonce à présent.
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Je suis un trou qui abrite un saccage. Quand est-ce qu’il va le comprendre ? À l’intérieur de moi, les avions se fracassent, les corps tombent dans des puits, les maris tournent comme des lions en cage, les femmes hurlent en silence, les voitures valsent…
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