Citations sur Real Life (12)
Le passé est avide, toujours il vous dévore, il prend sans cesse, sans cesse. Si on ne le retient pas, si on ne le refoule pas, il se répandra, il prendra, il noiera. Le passé n'est pas un horizon qui s'éloigne. Au contraire, il progresse un instant à la fois, il marche d'un pas régulier vers l'avant jusqu'à ce qu'il ait tout réquisitionné, que nous redevenions qui nous avons été ; nous devenons des fantômes quand le passé nous rattrape. Je ne peux pas vivre tant que vit mon passé. C'est lui ou moi.
Wallace posa la tête sur l'épaule de Miller. « Je suis navré.
_ Ce que je sais , c'est que ça ne change rien, que tu ne les aies pas connus ou qu'ils ne t'aient pas connu. Ma mère était une vraie garce. Elle était méchante, haineuse, c'était une menteuse et elle a passé sa vie à me rabaisser. N'empêche que quand elle est morte, j'ai vraiment... je ne sais pas. Les parents ce ne sont pas des individus, jusqu'au moment où ils souffrent. Ce ne sont pas des individus jusqu'au moment où ils sont partis.
La mémoire passe au crible. La mémoire élimine l’horrible. La mémoire fait avec ce qu’on lui donne. La mémoire n’est pas une affaire de faits. La mémoire est une mesure peu fiable de la douleur d’une vie.
Thom s'approcha de l'eau, la laisse de Scout étroitement serrée dans son poing.
« Qu'est-ce que vous foutez ? » demanda-t-il à Wallace d'un ton sec, méchant. « Ça t'amuse, d'embrasser les copines des autres ?
_ C'est elle qui m'a embrassé, corrigea Wallace.
_ C'est moi qui l'ai embrassé », confirma Emma comme si l'explication suffisait. Wallace poussa un soupir.
« Emma, on en a déjà parlé.
_ Il est gay, dit-elle se redressant. Ça ne compte pas. C'est comme embrasser une autre fille.
_ Merci bien, dit Wallace.
Pour la première fois depuis, dirait-on des jours, Wallace est seul - quoique pas totalement, car son appartement garde l'odeur de Miller. Il trouve ça injuste que Miller est imposé son parfum en l'espace de quelques heures ; cela semble disproportionné. La fragrance n'est pas insupportable ; en vérité, elle est à peine là, discernable juste en passant, comme si quelques gouttes en avaient été déposées dans les points stratégiques de son appartement, les recoins obscurs : agrume acidulé et lac au grand air.
Je suis obligée de faire mes preuves, parce que toi et les hommes comme toi, vous me mettez toujours hors-jeu. Eh bien merde, les femmes sont les nouveaux nègres, les nouveaux pédés.
L'aspect le plus effroyable de la beauté, c'est qu'elle nous renvoit à nos limites. Labeauté est une sorte de cruauté implacable. Elle prend la vérité, l'affute jusqu'à une précision terrifiante, et s'en sert pour découper jusqu'à l'os.
Un beau corps est une chose monstrueuse ; il nous traque, nous chasse jusque dans les moindres recoins de nous-mêmes. Il nous soutire des vérités douloureuses.
Dans le Midwest, fortune voulait dire vaches, maïs ou biotechnologie ; après des générations passées à fournir l'Amérique en blé, lait et volailles, la terre du Middle-West avait donné naissance à une industrie qui construisait des scanners et des appareils, une moisson d'organes, de sérums et de patches issus de croisements génétiques. C'était une autre forme d'agriculture, tout comme Wallace pratiquait une autre forme d'élevage, mais en définitive, il faisaient ce que les gens avaient toujours fait, et les seules différences véritables se résumaient à des détails futiles.
C’est injuste parce que les Blancs ont un intérêt direct à sous-estimer le racisme, sa quantité, son intensité, sa forme et ses effets. Ils sont les renards dans le poulailler.
Une obscurité profonde, dense. Pourquoi lui revient-elle maintenant ? Tous ces kilomètres parcourus. Ces années. Son ancienne vie tranchée comme une cataracte. Rejetée. Mais ici, retrouvée au fond de son esprit comme un détritus qui surnage. Ici. En ce lieu. Dans la solitude du labo. Il fait presque un bond de frayeur, tant le souvenir est complet. Son corps se souvient. Son corps traître…