Lapins et merveilles

J'avais oublié un détail. Pour faire un livre, il faut que son héros, - en l'occurence son héroïne -, ait une âme. Résultat, j'ai préféré ne rien publier de cette expérience.

Décline des bribes sur la liberté, l'égalité, la fraternité. Que d'originalité. Locutions vides, impalpables, impersonnelles. Ce qu'elle dit pourrait s'appliquer à n'importe quelle autre intervention. Et pourtant, ça fonctionne. Plus que de raison. Michèle retourne la salle, l'emporte avec elle. Elle crie, hurle parfois, des groupes de mots dénués de sens, inintelligibles, tellement simplets qu'à les retranscrire sur une feuille, on se gausserait. Mais ça marche, encore et toujours. À vous faire haïr le militantisme. À vous faire vomir les meetings politiques. La salle est déchaînée. La courbe sinusoïdale des sons emporte le contenu des déclarations.

Autre chose me frappe, ils applaudissent toutes les deux minutes, voire davantage. Même lorsque ce qui est dit est creux, sans saveur, ni odeur, ni extrêmes. Des animaux dressés pour la foire ? « C'est un réflexe pavlovien », m'indique Nicolas. J'écoute davantage. La foule n'applaudit pas le contenu des discours, des idées, des mots. Elle acclame juste les intonations.

Miroirs brisés. Les deux hommes ne sont pas d'accord sur tout, c'est le moins que l'on puisse dire. « Qu'est-ce qu'un dromadaire ? C'est un cheval dessiné par un comité. » Bayrou adore cette phrase de Clemenceau. Il l'utilise pour décrire Alain, selon lui, trop aux prises des experts. Depuis longtemps, Bayrou vomit le chiraquisme, Bayrou bave sur les énarques, Bayrou salit beaucoup de monde, mis à part lui.

J'ai mes qualités, j'ai mes défauts. Le principal de mes défauts étant de penser que mes qualités sont plus importantes que mes défauts (rires)…

La fusée Juppé va-t-elle faire pschitt ? Sinon, dans quel sens partira-t-elle ? Les Madame Soleil, les divas, les castrés et les SDF de la politique, tous ont un avis. Ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui. Ceux qui l'aiment, ceux qui le détestent. Ceux qui l'ont rallié, ceux qui l'ont raillé.

Et comme, face aux autres, il comprend tout très vite, trop vite–à peine les choses sont-elles énoncées devant lui–, il peut passer à côté des êtres. Pour bien comprendre les autres, il faut parfois savoir être lent. Je n'ose pas toujours le lui dire, il s'en veut lorsqu'il en prend conscience.

T'as pas vu le bloc de glace auquel je m'attaque. Le gars, c'est Les portes du pénitencier. Pour le connaître, il faut aller à l'intérieur. Et l'intérieur, ça prend des jours, des mois et pourquoi pas, des années.

Juppé, Sarkozy, leur juxtaposition décuple leurs failles réciproques. En d'autres termes, la parole d'Alain Juppé est tout autant amoindrie par les aisances oratoires de son concurrent, qu'elle éclaire à la loupe sa vulgarité et sa faconde démagogique. Lorsqu'ils sont ensemble, inutile de sortir les couteaux, ils se tuent mutuellement par l'effet naturel de leurs antagonismes.