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Critique de elea2020


Cette pièce d'Anton Tchékhov a été créée et représentée en 1904, l'année de la mort de l'auteur. A bien des titres c'est un drame touchant, quoique Tchékhov maintenait qu'il avait écrit une comédie, presque une farce.

La pièce a pour décor une belle et vaste propriété de famille à la campagne, sur laquelle on exploitait autrefois une cerisaie, « le plus beau lieu du monde », selon Lioubov Ranevskaïa et son frère, Léonid Gaev. le premier acte s'ouvre avec des valises, et la fébrilité de l'installation des personnages, à deux heures du matin : Lioubov revient de Paris avec sa fille Ania, une gouvernante, Charlotta ivanovna, et Yacha, valet canaille. La mère et la fille sont accueillies avec joie par Gaev, Varia, fille sérieuse et travailleuse, la fille adoptive de Lioubov, les serviteurs, et les personnages qui, une fois de plus, gravitent autour d'eux et profitent de leurs bienfaits ou hospitalité, on ne sait trop.

Ainsi, une galerie de personnages secondaires s'installe, leurs relations se précisent au cours de scènes présentant des successions de duos ou trios, tandis qu'on vit à nouveau à la Cerisaie. La musique anime les journées, on danse, on discourt, on admire les « tours » de Charlotta, l'orpheline solitaire.

Mais le jeu, la légèreté, le manque de sérieux, et l'auto-dérision, ne sont qu'un art de vivre pratiqué à l'extrême par les personnages. La légèreté n'aura qu'un temps, car la Cerisaie va mal : la famille est criblée de dettes, et l'on n'entrevoit aucune solution viable, si ce n'est de sacrifier la cerisaie pour faire lotir et louer. Deux mondes s'affrontent, l'un appartient déjà au passé, quand l'autre représente l'appétit du gain qui ne respecte rien du patrimoine.

J'ai lu cette pièce très vite, avec un grand intérêt, et une impression poignante : tout d'abord, « la Cerisaie » est un si beau titre, on a immédiatement sous les yeux la vue des pétales blancs, éphémère beauté, qui symbolise si bien l'atmosphère de la pièce – fragilité de la vie, mais retour opiniâtre des saisons, année après année. La vie d'avant a ainsi duré mais se perd, en raison de l'inconséquence et de l'oisiveté des maîtres.

La pièce se suit très bien, avec ces détails de la vie courante, qui font qu'on y porte de l'intérêt sans même se rendre compte qu'on lit. Elle restera dans mes impressions de lecture marquantes, elle est prenante et mélancolique, et peut-être que les aspects drôles ou légers de certains personnages sont là pour masquer le drame qui se joue dès le début.

Il y a en tout cas une grande humanité dans la façon qu'a Tchékhov d'aborder leur personnalité, de saisir les détails qui donnent sens, et, en même temps, de considérer avec une grande indulgence que chacun a ses raisons, et de tenter de les exprimer dans leur complexité. La pièce continue dans nos têtes et nos coeurs bien après que le rideau retombe.
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