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Critique de Ogrimoire


On ne peut s'empêcher de se demander, à la lumière de faits et de débats récents, mettant en scène des artistes, si l'on peut, et si l'on doit distinguer l'homme et l'artiste, ou si les manquements de l'un doivent discréditer l'autre. Faut-il repenser la place dans la littérature française de Voyage au bout de la nuit à l'aune de l'insupportable sympathie de son auteur pour certaines thèses nazies… et alors même qu'il n'a semble-t-il jamais sollicité le moindre avantage, bénéficié du moindre passe-droit. Et que son attitude et ses actes – le médecin Louis-Ferdinand Destouches qui soigne gratuitement de jeunes criminels qui se cachent – sont par moment davantage ceux d'un anarchiste que d'un homme de l'ordre – fut-il nouveau ! -.

Cette complexité, qui n'est pas masquée mais bien plutôt mise en évidence, font que l'on voit plus en Céline un homme bouillonnant d'une rage qui remonte peut-être bien aux expériences traumatiques vécues – subies – pendant la guerre de 14-18, lorsque le maréchal des logis Destouches au 12e cuirassiers voit ses camarades tomber alors qu'ils chargent, sabre au clair. « Et moi, je ne veux pas vous bluffer, n'est-ce pas, mais je faisais partie de la bande, un con parmi d'autres… », nous dit-il.

Cet homme qui ne trouve pas sa place dans les salons parisiens, ni dans le milieu de l'édition, qui ressemble à un clochard au point de se faire refouler des terrasses des cafés parisiens, y compris lorsqu'il est avec Arletty, comment ne pas lui reconnaître au moins de la sincérité ?

Et l'on se demande aussi, en lisant la citation choisie pour ouvrir cette chronique, ce qu'il aurait pensé de l'émergence des réseaux sociaux. En effet, dans cet extrait d'une conversation qu'il aurait pu avoir avec Gaston Gallimard, son éditeur, apparait toute sa détestation pour ce qui, de son point de vue, n'est pas de la littérature, mais du commerce de livres. Et l'on se surprend à imaginer ce qu'il penserait aujourd'hui.

Il faut dire également un mot des dessins. En noir et blanc, pour l'essentiel, ils prennent des teintes bistres, ocres, jaune passé pour marquer les flash-back. Sans être physionomiste, je n'ai pas eu de peine à m'y retrouver, y compris pour reconnaître Céline jeune. Et de l'ensemble se dégage une force vitale brute, autant dans la violence que dans l'amour. Et dans une forme de désenchantement née de la médiocrité ambiante…

Souvent, lorsque j'ai fini un livre, que je l'ai aimé ou non, j'ai une idée assez précise des personnes qui pourraient l'apprécier et de celles à qui je ne vais pas le recommander. Mais, ici, j'ai du mal à le dire. le sujet n'est évidemment pas anodin ; le récit non plus. J'ai apprécié cette lecture, et, à bien y réfléchir, je pense que, pour s'y engager, il suffit d'accepter de l'aborder avec curiosité, curiosité pour l'homme, curiosité pour le personnage, curiosité pour le traitement qui en est fait. Alors, qui me suit ?
Lien : https://ogrimoire.com/2022/0..
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