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Critique de ATOS


La gueule cassée. Il s'en retourne. Il n'en revient pas. Quand on tombe il faut se relever. Ce n'est pas une loi à deux roues ni une promesse à deux balles, quand on tombe, quand on se retrouve à plat, quand rouvre un oeil et qu'on entend d'une oreille le bruit orgueilleux et mutique des machines « à empêcher de souffrir qui font tout pour ne pas vous voir partir » …. quand on a passé des années d'aventures, des années à embraser tous les ports par tous les bords de sa vie, et que c'est un rebord qui a tenté d'avoir raison de votre vie... Alors….on a qu'une envie : se faire la belle, fuir, marcher, courir peut être.
Quand on est fracassé, percé, fendu, brisé, lézardé, amoché, défoncé, cabossé… une seule et belle envie ! se tirer, s'échapper, s'arracher, s'arracher des perfs et du plancher.
Alors qu'en cela arrive à Sylvain Tesson, au petit prince sibérien, à ce diable de globe trotter ...cela produit un bruit …..celui d'un arrachage de gomme, ou plutôt de levée d'encre , un bruit de papier froissé, de cartes dépliées, d'itinéraires retrouvés, de passages presque secrets, de chemins noirs, de pistes, de sentes, de contre escarpes, un chant de liberté.
Il marchera . Il n'a pas le choix. Il ne se laissera pas le choix.
Alors il marchera. Il sait le faire. Il l'a toujours fait. Non merci pas de centre de réeducation. A l'air libre ! Sous les étoiles, à travers mailles, sur les chemins de travers.Ces chemins qui lui vont comme au ciel. Il ira jusqu'au bout. Il ne s'en laisse pas le choix.
« Sur les chemins noirs » , c'est le journal d'une marche. Une marche formidable, peut être la plus grande que l'auteur ait parcouru de toute sa vie.
La marche, cette métronomie incroyable de l'esprit et du corps. Cette harmonie parfaite entre la poussée de la pensée et le soulèvement de nos pas .
On marche pour reprendre le rythme, trouver un souffle, faire le point, mener large, estimer, sous peser, considérer, recevoir, voir, revoir, arpenter, mesurer, profiter, embrasser de la langue et du regard. Retrouver, rejoindre, fuir, s'éloigner, découvrir, apprendre, oublier. Marcher comme voyager.
Une marche est toujours personnelle, essentielle. A deux, et plus … ? cela devient une promenade, une balade, cela peut être un échange, une conversation, presque des vacances, presqu'un loisirs..…
Mais marcher seul , marcher c'est une expérience. Marcher longtemps, loin, à en oublier que l'on marche , marcher bien, dans le sens qui nous convient, pour aller là où on a décidé d'aller. Une marche, pas une errance, marcher comme on ouvre sa route. Comme on trace une voie. Marche comme on respire, comme une priorité, une nécessité.
Inutile de rappeler la qualité de l'écriture de Sylvain Tesson. Certains passages valent leur pesant de kilomètres ! C'est un art, écrire.
Écrire c'est comme marcher, ce n'est pas faire n'importe quoi.
Sylvain Tesson est grand écrivain, et grand marcheur.
Mais souligner, oui souligner, l'extraordinaire justesse du regard qu'il porte sur les terres qu'il arpente. Sur ces terres de la campagne française, de ces terres de l'hyper ruralité , leur beauté, et leur raréfaction, cette « campagne du silence , du sorbier et de la chouette effraie » mais également sur toutes nos « autres » campagnes , sur leur désaffectation, leur démembrement, remembrement, démantèlement, délabrement, aménagement, déménagement, ...enterrement. Un paysage comme le corps d'un pays. Un corps, une âme, un esprit. de ces ruralités sur un fil ballottées...
Mais pas de pessimisme !! C'est un journal d'espoir. Naturellement optimiste.
Là nous aussi nous n'avons pas le choix. Quitter l'autoroute toute tracée de l'hyper productivité . Allez vite, trop vite, pour finir où ? Tourner à vide dans nos non sens illusoires ?
Alors... retrouver les chemins noirs comme on redonne souffle et vie à un tissu naturel.
Marcher et se remettre en route. Donner un sens, choisir son but. Écrire son chemin
Sylvain Tesson a écrit son journal de marche : départ le 24 août – sud est , arrivée le 08 novembre – nord ouest .
Il signe ici une très belle diagonale.
En route Tesson ! …prochaine destination ?

Astrid Shriqui Garain
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