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Critique de Gaphanie


Dans les années 50, Alexandre Thabor retrouve son père, Sioma, à Paris. Ils ont été séparés en 1936, quand Sioma a été expulsé de Palestine par les Anglais. Alexandre n'avait que 8 ans. Sioma lui raconte alors son parcours, lui explique ses choix. Et aujourd'hui, Alexandre nous restitue le récit que lui a fait son père.

La biographie de Sioma, donc, puisqu'au final, c'est de cela dont il s'agit, s'articule en quatre grandes parties :
- Odessa, de 1904 à 1924: Sioma raconte son enfance, auprès de sa mère, Rachel, militante, et son père, Abraham, qui dirige une école. La vie n'est pas facile, pour les Juifs en Russie à cette époque. Exactions et pogroms perpétrés par les Cent-Noirs rythment le quotidien du petit Sioma, qui verra la mort pour la première fois en 1913, lors d'une manifestation anti-tsariste, quand un ami à peine plus âgé que lui succombe sous ses yeux. Plus tard, il frôlera la mort à la sortie du lycée, sauvé de justesse par une jeune fille. C'est Tsipora. Elle est allée chercher du secours, et ils sont tombés amoureux à ce moment là. Difficile de résumer davantage sans "spolier" le récit, mais le jeune Sioma perd beaucoup de personnes proches, dans des circonstances abominables. Et même la conquête de la belle Tsipora ne se fera pas sans heurts : sa famille, riche, ne souffre pas de l'antisémitisme comme dans les bas quartiers, et son père et son frère sont viscéralement tsaristes. Sioma, lui, grâce ou à cause de tout ce qu'il a vu, est communiste. Déjà si jeune, il ne recule devant aucun danger quand il est confronté à l'injustice. Son plus beau combat, selon moi, dans cette première partie, est quand il sauve son professeur d'université.
- Palestine 1924-1936. La Révolution russe a eu lieu, mais n'a pas changé grand chose à la qualité de vie des Juifs à Odessa. Sioma et Tsipora décident de tenter leur chance en Israël, puisque déjà on parle d'y créer un état Juif. Arrivés sur place, le jeune couple déchante. Les terres vendues aux candidats au retour en Israël l'ont été au détriment des paysans palestiniens qui les louaient pour vivre de leurs cultures... Et qui reviennent en catimini récolter les légumes qu'ils y avaient plantés avant d'en être chassés. Et d'être abattus comme des chiens par les nouveaux occupants. Dans toutes ces années, Sioma et Tsipora prôneront le dialogue et la mise en place de la "bination" : un pays pour deux peuples, comme le préconise le philosophe Martin Bubber. Pour Sioma et Tsipora, le véritable ennemi est l'occupant anglais, pas le paysan palestinien. Tsipora et Nadjati, un ami palestinien, ouvriront d'ailleurs une école mixte aux abords du mont Carmel. le couple est heureux, uni, profondément amoureux, et l'arrivée du petit Alec les comblera de joie. Mais Sioma n'est pas homme à se taire, ni à laisser sans réagir les injustices se dérouler sous ses yeux. Décrété indésirable par les anglais, il sera expulsé de Palestine en 1936. Avec ses compagnons d'infortune, ils décident d'embarquer pour l'Espagne. Les Russes y sont en guerre contre les fascistes menés par Franco. Ils vont aller prêter main forte à leur camp.
- Espagne 1936 - 1939 : Sioma nous parle du quotidien des combats, rue à rue, et des dérives de l'armée russe, désunie, en proie à des luttes intestines incessantes et déplorables. Là, Sioma retrouvera la journaliste Jeanne Lev, qu'il avait escortée lors d'une mission quelques années plus tôt, en Palestine. La jeune femme n'a toujours pas la langue dans sa poche, et se crée de puissants ennemis juste en racontant la vérité.
- quatrième et dernière partie : le Vernet, Moscou, Jérusalem, Paris. La guerre d'Espagne s'achève comme on le sait, et, au moment du rapatriement, jugé dangereux et indésirable, Sioma se retrouve parqué en France, au camp du Vernet. Son évasion, et surtout sa capture, sont un des moments les plus bouleversants du livre, qui pourtant, en regorge ! Transféré au camp de Djelfa, pire encore, il est tiré d'affaire par Roussakov, qui était en Espagne avec lui, dans les postes de commandement. Il a une mission de conseil diplomatique à lui confier. Sioma repart donc à Moscou, en 1942, qu'il quittera au bout de quelques mois, en danger de mort, à nouveau. de retour à Jérusalem jusqu'en 1946, il retrouvera sa mère avant d'embarquer pour la France, à la recherche de Tsipora, et de découvrir son destin.

Alexandre Thabor écrit très bien, et le ton employé est parfait : on ne tombe jamais dans les trémolos. Les faits sont décrits simplement. La deuxième partie est agréablement émaillée par des extraits du journal de Tsipora. On retrouve d'ailleurs la correspondance du couple en annexe.

Les Aventures extraordinaires d'un Juif révolutionnaire n'est pas qu'une biographie. C'est un véritable voyage à travers L Histoire. A travers les côtés obscurs de l'Histoire, même, pourrait-on dire. C'est une lecture difficile par son contenu, que je n'ai pas effectuée d'une traite comme à mon habitude, par besoin de prendre un peu de recul après les passages les plus difficiles. Ce que j'ai apprécié, aussi, c'est qu'Alexandre Thabor a bien pris soin de nommer les personnes que son père a côtoyées et qui ont disparu, et qui ne sombreront pas tout à fait dans l'oubli grâce à lui.

A faire lire aux étudiants et aux lycéens qui étudient ces périodes, et, de manière plus générale, à tous les amateurs d'histoire, à tous les chercheurs de vérité.

(Merci à Babelio et aux Editions TempsPrésent pour cette très enrichissante découverte)
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