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Je tiens tout d'abord à remercier les éditions du Temps Présent et Babelio pour l'envoi du présent ouvrage dans le cadre d'une opération masse critique privilégiée .

L'ouvrage constitue une vaste fresque dans le temps, virtuellement toute la première moitié du XXe siècle, et l'espace, de l'Ukraine russe, en passant par la Palestine et l'Espagne, racontée par un vieux monsieur, Sioma Thabor, né en 1905, à son fils Alexandre, l'auteur, né en 1928, à l'occasion de leurs retrouvailles en mars 1958 à Paris.

Il s'agit d'une histoire de "bruit et de fureur" pour reprendre le titre de l'oeuvre célèbre de William Faulkner de 1929, de luttes et combats pour les bonnes causes comme la dignité humaine, la justice et l'égalité des hommes.
Luttes et combats qui s'alternent avec une belle histoire de (grand) amour et la manifestation de nobles convictions idéalistes et de fréquents renvois à Littérature avec (un l'majuscule), des philosophes et écrivains, tels Spinoza, Balzac, Stendhal, Shakespeare...

La devise de l'héros est d'ailleurs une maxime d'Héraclite : "Sans l'espérance, vous ne trouverez pas l'inespéré".

La première partie du récit (78 pages) est située à Odessa, la ville portuaire actuellement ukrainienne sur la mer Noire, que je connais relativement bien pour des raisons personnelles mon épouse étant Odessite, ce qui m'a conduit à la lecture d'une mini-bibliothèque sur cette ville particulière, créée par la tsarine Catherine II de Russie et qui a connu comme premier gouverneur de 1803 à 1814 le cinquième duc de Richelieu, dont une imposante statue orne le Boulevard Prymorski, à un endroit stratégique de la ville et du port.

Odessa a été une importante ville juive, et par leur nombre, en 1900 ils étaient pratiquement 125.000 soit 30 % de la population et par leur influence, grâce à toute une série d'écrivains tels Chalom Aleikhem (1859-1916), Isaac Babel (1894-1941), Ilya Ilf (1897-1937)...et des personnalités politiques comme Vladimir Jabotinsky (1880-1940).

Aujourd'hui, les Juifs ne représentent plus que 3 % des 1 million d'Odessites.
Pourtant la blague y a toujours cours. Un touriste demande un jour à une babushka (grand-mère) odessite : "Combien d'habitants compte Odessa ?"
La vieille dame répond : "Un million". " Et combien de Juifs ?" Et la babushka légèrement irritée, lui répond : "Mais je viens de vous le dire, 1 million !"

L'histoire commence avec la mort par balle de l'ami de l'héros dans la Moldavanka, le quartier juif d'Odessa, en 1913. Ce coup de feu par un soldat tsariste lors d'une manifestation pacifique contre les bas salaires fait du galopin Sioma, 8 ans, un révolutionnaire.

À cette époque, Odessa constituait le carrefour d'un nombre incroyable d'armées : outre les Blancs et les Rouges et leurs alliés respectifs, il y a les cosaques, les troupes de l'indépendantiste ukrainien, Symon Petlioura (1879-1926), et les Cent-Noirs, un mouvement nationaliste, monarchiste, d'extrême droite et antisémite.

Cette dernière caractéristique était virtuellement commune à tous ces soldats réguliers et irréguliers. En dépit des instructions formelles de Lénine et Trotsky, pratiquement tous ont commis des excès contre les Juifs, allant de simple vol et incendie aux viols systématiques des femmes et gamines juives et du meurtre à grande échelle des hommes et garçons juifs.

Pour compliquer davantage l'existence des Juifs d'Odessa, comme Abraham et Rachel Thabor et leurs fils Sioma, la communauté juive était divisée entre traditionalistes et sionistes et même cette dernière catégorie comptait différentes fractions : entre autres les socialistes (le mouvement marxiste Poalé Zion) et ceux de la droite du révisionniste Jabotinsky.

C'est dans ce climat de pogroms et d'angoisses, où en plus régnaient la pauvreté et la pénurie que naissait cet amour passionnel entre l'idéaliste Sioma Thabor, 15 ans, et la romantique Tsipora Eppelbaum, 13 ans. Une liaison fort contestée par sa famille à cause de leur âge et l'aisance d'Isaïe Eppelbaum, négociant et banquier.

Mais rassurez-vous, l'amour a vaincu, obligeant le jeune couple toutefois à s'émigrer, en février 1924, en Palestine dans un kibboutz à Nahalal à une trentaine de kilomètres à l'est d'Haïfa.
Seulement, Sioma est comme activiste politique, en 1936, expulsé de Palestine par les Britanniques et il a continué la lutte dans les rangs des brigades internationales contre Franco pendant la guerre civile espagnole.

Au moment des retrouvailles entre père et fils 22 ans plus tard à Paris, le point le plus délicat est la mort de Tsipora de typhus à Auschwitz, en janvier 1945, moins d'une semaine avant l'arrivée des Russes. C'est la raison qui pousse le père à raconter les motivations de son action, qui a entraîné une séparation forcée de sa bien-aimee Tsipora.

Je recommande vivement cet ouvrage qui combine l'horreur d'une certaine réalité de société avec la beauté de l'engagement et du courage de quelques individus dans un récit à la fois instructif et envoûtant.
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Je remercie Masse critique et Temps Présent pour la découverte de ce roman.

Alexandre Thabor réussit le pari en combinant un langage accessible et instructif avec le romanesque avec finesse et beaucoup d'intelligence.

On suit l'évolution et l'éveil politique mais aussi humain d'un homme décidé à défendre ses convictions pendant l'une des périodes les plus sombres de l'Histoire.
La Russie du début du siècle est gangrénée par la famine, les dissensions politiques et l'horreur des pogroms.
A Odessa l'enfance et foudroyée par le besoin d'apprendre à se battre pour sauver sa vie.
De la prise du pouvoir par les Bolcheviks au rêve de la création d'Eretz Israël en tant que terre promise partagée par deux peuples, le dénominateur commun de la vie de Sioma, a été d'être resté fidèle à son idéal de vie, la liberté.

Dans une narration enfiévrée et très bien documentée, l'auteur retrace la vie de son père, féroce guerrier à Odessa et en Espagne dont l'idée obsessionnelle était de sauver la démocratie. Cet engagement est devenu le moteur de sa vie et justifiait n'importe quel sacrifice.
Sa lutte contre le fascisme était une façon de prouver que personne ne peut abattre un homme libre.
Sa haine de toute forme d'oppression et ses efforts pour maintenir la dignité humaine ont été une constate dans l'engagement de sa vie et il a toujours partagé cet idéal avec des pairs de différentes origines ou religions.

Une incursion politico-historico-religieuse d'une grande qualité documentaire sur le parcours extraordinaire d'un juif révolutionnaire.


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En recevant ce livre de la part des éditions "Temps présent"et de l'équipe de Babelio , ce dans le cadre d'une masse critique privilégiée, j'étais bien loin de me douter combien j'allais être bouleversé. Les mots me manquent pour les remercier de m'avoir permis d'accéder à un tel récit.
Tout d'abord , si je puis me permettre , n'oubliez pas, avant et après, oui , après aussi , une autre fois , de lire la préface d'Edgar Morin . Elle sait , en quelques lignes , mettre en exergue la profondeur de ce que l'on va découvrir, ou de ce que l'on a découvert . Pour moi , une seconde lecture s'est avérée encore plus prégnante que la première . J'ai compris pourquoi ce monsieur qui n'écrit plus de préfaces , avait fait exception et repris sa plume...
En me lançant dans ma lecture , presque dés le début, c'est une magnifique chanson de Maxime le Forestier qui a résonné en moi " " Être né quelque part ", vous savez ,
" On choisit pas ses parents , on choisit pas sa famille ,
On choisit pas non plus les trottoirs de Manille ,
Être né quelque part ,
Pour celui qui est né , c'est toujours un hasard ..."
Sioma est né à Odessa , en 1904 et , dés l'âge de six ans il découvre le monde dans lequel il vit , lui , le petit juif : "un monde de pogroms , d'incendies , de pillages , de viols , de dévastation , de massacres perpétrés par les Cent noirs , ceux qui deviendront ses pires ennemis lorsque , alors qu'il n'a que 8 ans , ils tueront son meilleur ami sous ses yeux . Son choix s'impose alors , faire partie des insoumis " et débuter un combat qui le conduira , toujours en quête de justice et de liberté d'Odessa en Espagne, puis à Moscou , à Jérusalem, et à Paris , partout où les barbaries du XXème siècle étendent leurs sinistres tentacules . Homme de paix , de justice , d'amitié et d'amour puisque , tabassé et laissé pour mort par les Cent Noirs , son regard croisera celui de celle qui , issue d'une famille juive " opposante " , celle qui l'accompagnera fidèlement avant de périr dans les fours crématoires d'Auschwitz .....Son fils , Alec , recueille son témoignage. Il est édifiant , bouleversant , presque inimaginable , une épopée....Un roman historique , un regard sur une époque au cours de laquelle les hommes ont montré leur sauvagerie sans limites , leur soif de pouvoir , leur cruauté . Oui , certains épisodes sont durs , sans concession , mais quelle force et quels portraits extraordinaires de personnages , hommes et femmes , prêts à se sacrifier au nom de la liberté et du respect , au nom , aussi , de la laïcité et du droit de chacun à vivre libre et en harmonie avec autrui. .Un témoignage qui se lit comme un roman , dont on tourne les pages avec avidité.
Les lettres de la fin du volume sont....comment dire ? Je ne trouve pas mes mots . Ce sont des échanges entre Sioma et Tsipora, le couple au superbe et profond regard déterminé de la page 10 . " S'aimer , ce n'est pas se regarder l'un , l'autre , c'est regarder ensemble dans la même direction " disait Saint Exupéry.
Je ne suis pas historien mais je m'intéresse, comme tout citoyen " lambda " à l'actualité mondiale , j'ai trouvé à ce livre un intérêt didactique incroyable .Il est , de surcroît, fort bien rédigé.
Je ne peux que vous conseiller cette lecture . Pour moi , sans l'équipe de Babelio et les " éditions Temps présent " que je salue à nouveau , je serais passé à côté d'un ouvrage remarquable et éclairant.
Attention , chères et chers amies et amis , ce n'est que mon ressenti . Vous n'êtes pas obligé(e)s de me croire.....




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Inexorablement, il dégringole le grand escalier , sans fin , d'Odessa avec dans ses draps un tout petit bébé .
Et le landau s'éloigne , de plus en plus , de la mère effondrée , assassinée par l'armée .
Il roule , roule dans ce monde où tout s'écroule .

Un souvenir enfoui au plus profond de moi , qui resurgit à la pensée du film que nous avions visionné au lycée : " le Cuirassé Potemkine " , voilà quelques années .
La réalité et la fiction s'entremêlent tellement , qu'il me semble apercevoir parmi les corps qui jonchent les marches , Gricha ,abattu d'une balle en plein coeur .
" Autour de moi , hommes , femmes et enfants s'écroulaient . Soudain le vide . J'ai lâché la main de ma mère pour me jeter sur Gricha . le sang lui coulait de la poitrine . Il était tombé devant moi comme un arbre foudroyé . Il était là , paralysé à terre , sans aucun signe de vie . " P. 37
Sioma est âgé de seulement huit ans quand il perd son ami et complice .

" Ce jour-là , sans le savoir , malgré moi , j'étais devenu un révolutionnaire " . P. 38

La guerre , où qu'elle sévisse , fabrique des zombies qui , réunis en meutes , tuent , égorgent et pillent sans le moindre cillement d'yeux .
Le testament littéraire qu'Alexandre reçoit de son père à ses trente ans ,en 1958 , semble la meilleure des preuves et la plus authentique de la cruauté immuable de la société .

Heureusement , des lions surgissent , rugissent , se lèvent et combattent les intrus , les extrémistes dans tous les pays .
Sioma , l'un d'eux , a su s'entourer d'êtres valeureux et téméraires qui ont apporté au monde la vérité . Ils l'ont payée de leur sang .
Telle la journaliste Jeanne Lev .
" Elle avait écrit une série d'articles sur ces hommes et ces femmes , les morts et les survivants des massacres , en particulier celui des collectivités de Calanda (... ) . Elle était fascinée par leur détermination , leur énergie , leur respect de la vie ( ...) . Elle s'était complétement identifiée à leur combat pour la libération des femmes et la révolution " P. 179

Si Sioma était un homme fougueux , courageux , drôle , et intelligent , il était aussi impulsif dans son envie de partage , ce qui le rendait imprudent .
Il a compris , avec l'âge , combien sont horribles , absurdes et vaines les guerres , en se remémorant la mort de tant de personnes et surtout ses amis , lui qui prônait l'amour de la vie dans toute sa sensualité et sa vérité .

Il a rencontré , très jeune , sa flamme jumelle , Tsipora .
Ils étaient fusionnels et pourtant leur amour-passion a connu une pénible séparation quand il a été expulsé d'Israël par les Anglais , qu'il a rejoint les brigades internationales en Espagne .

L'absence fortifie la vénération . L'amour ne se nourrit-il pas d'attirance charnelle mais aussi d'admiration ?
Nos deux héros sont des êtres hors du commun et chaque phrase du roman de ce fils bien-aimé , Alexandre , mériterait une citation .

Si Edgar Morin allèche notre curiosité d'entrer dans L Histoire par sa préface , il en va de même pour l'intervieuw d'Alexandre Thabor par Nathalie Bouly .
( radiofmplus.org/arret-aux-pages-thabor-2 )

Je ne peux que remercier vivement l'équipe de Babélio et les éditions " Temps Présent " pour ce merveilleux et émouvant cadeau dont on se doit de prendre le temps de lire toutes les subtilités et la portée .

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Alexandre vient d'avoir trente ans lorsqu'il retrouve à Paris Sioma, son père, qu'il n'a pas revu depuis vingt-deux ans. Sioma souhaite raconter à son fils les souvenirs d'une vie d'engagement ; faire revivre tous ses compagnons de luttes, réentendre leurs voix, revisiter leurs combats. À travers des carnets, des journaux intimes, des correspondances, il souhaite lui expliquer le rêve d'un état indépendant commun entre Juifs et Arabes qu'il partageait avec sa femme Tsipora, son seul amour, gazée à Auschwitz.

« Un état qui assurerait la plus complète égalité sociale et politique à tous ses habitants, sans distinction de religion, de race ou de sexe, garantirait la liberté de culte, de conscience, de langue, d'éducation et de culture et assurerait la protection des Lieux saints de toutes les religions. »

D'Odessa à la Palestine, en passant par la guerre d'Espagne ce livre est un témoignage captivant sur une vie de combats pour la démocratie, la justice, la liberté, contre le fascisme, pour maintenir la dignité humaine, le refus d'être des asservis.

Tout commence à huit ans lorsqu'il assiste à la mort de son meilleur ami lors d'une manifestation. Ce jour-là il se retrouve dans le camp des insoumis, il est devient un révolutionnaire. Alors commence un récit de l'indicible où l'horreur n'a pas de limites. Les années de famine, de guerre civile, les pogroms, le typhus, les pillages, les massacres, les viols.

L'occasion de dresser toute une galerie de personnages, Jeanne, Lucia et d'autres, des femmes libres jusque dans la mort ; des hommes, des compagnons qui ont su transformer leur vie en un destin. le témoignage d'un acteur de l'histoire de la de la fondation de l'état d'Israël, de toutes les souffrances, de toutes les humiliations.

Cet ouvrage puissant, difficile à appréhender, rempli d'émotions se termine par des lettres échangées entre Sioma et son épouse Tsipora et son fils Alec. Des mots d'un amour absolu.

« Elle avait treize ans et moi un peu plus de quinze lorsque nos vies se sont croisées. Près de trois ans, elle a grandi en moi sans que je la touche. Lentement, je me suis emparé d'elle. À Odessa comme à Haïfa, cette enfant devenue femme, a été ma seule musique dans un monde de fureur et de sang ! »
Merci aux éditions du Temps Présent et à Babelio pour leur confiance.
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Alexandre Thabor, dans « Les aventures extraordinaires d'un Juif révolutionnaire », retrace la vie de son père Sioma et de sa mère Tsipora, en nous offrant une leçon d'histoire « intime » révolutionnaire édifiante.

Nés au début du 20e siècle à Odessa, Sioma et Tsipora sont tous les deux Juifs et vont vivre les violents pogroms de l'époque, menés notamment par les Cent-Noirs, des monarchistes antisémites. Nourri d'un judaïsme laïc, de culture européenne et de l'esprit révolutionnaire russe, Sioma décide de son destin à 8 ans, lorsqu'il voit son meilleur ami mourir à ses pieds lors d'une manifestation anti-fasciste. Dès lors, il n'aura de cesse de rêver à un monde plus juste, libre et égalitaire, et de se battre au nom de valeurs qu'il retrouve dans le communisme. Sa jeunesse est également marquée par sa rencontre et son amour passionné pour la jeune Tsipora, issu d'un milieu Juif bourgeois et sioniste. Pour elle aussi, Sioma devra se battre.

D'Odessa à la Palestine, de l'Espagne à Moscou, de Jérusalem à Paris, la vie de Sioma est une aventure épique, violente et romantique, durant les guerres et révolutions du 20e siècle. C'est une vie pleine d'idéaux mais aussi de désillusions qui le mèneront d'un pays à un autre, avec l'espoir à chaque fois de vaincre le fascisme. Les Cent-Noirs d'Odessa, les troupes de Franco, les fascistes de Mussolini, les nazis d'Hitler... les ennemis de la liberté sont nombreux sur le chemin de Sioma qui, au nom de ses idéaux, laissera derrière lui sa femme Tsipora et son fils Alec.
Cette vie de combattant menée tambour battant est très riche, et peut-être un peu trop à mon goût certaines fois. le récit, vivant grâce aux extraits du journal de Tsipora dans la première partie, perd en fluidité lorsque l'on en arrive aux faits d'armes de Sioma durant la guerre d'Espagne, qui sont longs, trop longs.
Les personnages cités sont très nombreux et on se perd un peu parmi les querelles intestines entre les socialistes, les anarchistes et les communistes. Certains portraits de compagnons d'armes auraient pu être évités.

Malgré tout, cet ouvrage est une source historique indéniable.
Un des aspects qui m'a le plus intéressée dans ce récit très riche est la partie consacrée à la Palestine, lorsque Sioma et Tsipora s'y installent. le lecteur découvre en effet le courant oublié du Yishouv, la communauté juive de Palestine avant la création d'Israël. A cette époque du Mandat britannique, Sioma et Tsipora dénotent parmi les Juifs sionistes qui désirent un « Etat juif ». Tous deux sont partisans d'un Etat binational, prôné par le philosophe Martin Buber, où Juifs et Arabes coopèrent politiquement. le vrai ennemi, ce ne sont pas les Arabes, mais les Britanniques qui occupent un territoire par la force. Une fois encore, Sioma connaîtra des désillusions, ne pouvant accepter que dans une démocratie en partie socialiste, les Juifs sionistes et les Anglais mènent une « purification » brutale à l'encontre des Arabes, celle-la même qu'il a subie et fuie en quittant Odessa.

Enfin, l'histoire d'amour de Sioma et Tsipora est totalement atypique. C'est un couple qui sacrifie (vit ?) sa propre relation au nom de ses idéaux. Leur correspondance en fin d'ouvrage est extrêmement touchante.

Je n'ai peut-être pas su apprécier tous les passages du livre à leur juste valeur mais je suis certaine d'une chose, Alexandre Thabor a réussi à rendre un vibrant hommage à ses parents.
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Je peux dire tout de suite que le livre est magnifique.
Divisé en 4 grandes parties, il nous fait voyager à Odessa, Palestine, Espagne, Moscou, Jérusalem, à travers le récit que fait un père à son fils. Tout se déroule de 1904-1946, une période mouvementée où plusieurs événements historiques et douloureux ont eu lieu. Certains passages sont difficiles à lire, ils montrent la folie humaine. Mais n'oublions pas ceux qui ont luttés et qui ont tout sacrifié au nom de la liberté. Alexandre Thabor touche beaucoup avec ces portraits extraordinaires.
Je ressors émue par ce Grand livre enrichissant qui a pour moi une grande qualité historique, mais aussi humaine.
Un livre que je ne manquerai pas de relire un jour, dans d'autres circonstances.
Merci à Babelio et aux éditions Temps Présent pour ce précieux cadeau.

PS : ce roman a été lu durant mon hospitalisation en urgence, et dans l'attente d'une intervention chirurgicale imprévue.
Malgré ces difficultés, j'ai apprécié 'Les aventures extraordinaires d'un Juif révolutionnaire'.




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Alexandre Thabor rencontre son père à Paris en 1958. Il ne l'a plus vu depuis vingt-deux ans. A cette occasion, le père s'explique sur son passé. Il revoit son fils à plusieurs reprises et chaque fois lui parle de son passé. Il l'invite à en faire mémoire par écrit et lui remet ses notes, grâce à quoi, j'ai été un heureux lecteur de cette histoire extraordinaire.

Le livre est divisée en quatre parties : Odessa ; Palestine ; Espagne ensuite pour terminer camp d'internement en France et en Algérie sous le régime de Vichy, Moscou, la Palestine et Paris.

A Odessa, Sioma 15 ans rencontre Tsipora 13 ans. le père de celle-ci, veuf avec un garçon violent et déterminé, qu'il ne maitrise pas et plusieurs filles, ne veut pas la céder sa cadette à son amoureux. Cela engendre un conflit. le jour où Sioma devait être présenté au père de le jeune-fille, celle-ci avait été enfermée par son frère dans sa chambre. Sioma la délivre de force et l'emmène. Lui juif révolté rallie Tsipora à ses convictions et projets. Ensemble, ils affronteront l'antisémitisme et la violence perpétré par les cents-noirs, soldats du Tsar. Pour échapper aux pogromes, ils prennent le chemin de la Palestine. Là, Sioma ne sait pas accepter l'idée des cultivateurs arabes violenté par les cultivateurs de l'association agricole juive parce qu'ils occupent pour se nourrir un lopin de terre qu'ils avaient précédemment cédés. Comme les points de vue de Sioma sont inconciliables avec ses collègues sans concession vis-à-vis des arabes, lui et son épouse décide de partir sur Haïfa.

En fait, Sioma épouse les théories du philosophe Martin Buber qui prône l'idée d'une nation binationale juive et arabe.

Depuis Haïfa, Sioma est expulsé de Palestine, accusé d'avoir encouragé les manifestations anti britannique. Il part alors en Espagne rejoindre les brigades internationales pour aider les républicains en lutte contre les troupes de Franco, laissant sa femme et son fils en Palestine.

J'ai trouvé la partie relative à l'Espagne confuse.

Après avoir quitté l'Espagne, transité à Moscou et en Palestine, il retrouve son fils à Paris. Il reconnait qu'ayant mis en pratique ses convictions, il s'est rendu responsable des difficultés vécues par son épouse et son fils.

Tsipora ayant contracté le typhus a été expulsé vers un camp de la mort ou elle a péri dans un four crématoire une semaine avant l'arrivé des russes

Ce récit montre toute la violence à l'époque envers les juifs. Il m'a instruit sur la révolution d'octobre avec les bolcheviques, la guerre d'Espagne, les prémices de la création d'Israël, la seconde guerre mondiale et la lutte contre le nazisme.

J'ai choisi ce récit après avoir lu : « Monsieur optimiste » d'Alain Berenboom. Cet écrivain fils de père juif polonais et d'une mère juive lituanienne me portait vers la réflexion : « J'aimerais en savoir plus sur cette Russie de la première moitié du XX -ème siècle. C'est ce qui m'amené sur le récit écrit par Alexandre Thabor.

Avoir des convictions comme Sioma est une bonne chose, mais faut-il verser dans l'utopie et la démesure ?
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La dernière fois qu'il a vu son père, Alec avait huit ans. Lorsqu'il le retrouve vingt-deux ans après, en 1958, ce dernier lui raconte la vie de combats qu'il a menée. Il se confie, également, au sujet de son grand amour, Tsipora, de qui il a vécu séparé, en raison de ses engagements.


L'envie de défendre la liberté et la justice de Sioma est née lorsqu'il avait huit ans après que son meilleur ami, un enfant de son âge, ait été assassiné sous ses yeux, au cours d'une manifestation de grévistes, à Odessa. Sioma et Tsipora se rencontrent, en 1917, pendant la Révolution d'octobre, alors que le jeune homme s'oppose aux Cent-Noirs, un mouvement nationaliste et monarchiste d'extrême-droite. Les deux amoureux doivent affronter la famille de l'adolescente. Les années suivantes sont une succession d'horreurs. Alors que les pogroms s'enchaînent et que les unités antisémites sèment la terreur et massacrent la population, le couple rêve d'une vie de paix et de fraternité. Ils émigrent en Palestine.


Ils croient à une entente judéo-arabe et souhaitent créer une terre binationale. Les conflits de 1924 présageaient déjà du climat actuel. Cette partie m'a fait découvrir des faits historiques que je ne soupçonnais pas et qui éclairent différemment notre monde actuel. Elle m'a semblé difficile à suivre, car les évènements qui se sont déroulés sont complexes. C'est une guerre dans laquelle il n'y a pas de camps méchants ou de camps gentils. Les souffrances, les injustices et les haines sont partout. Ce livre montre que L Histoire ne nous dit pas tout et que des témoignages comme celui-ci permettent un autre éclairage.


Les deux peuples ont, cependant, un ennemi commun : les Britanniques. Ce sont eux qui condamnent Sioma, à l'exil, en 1936. Il s'engage alors aux côtés des Brigades internationales pour lutter contre le franquisme. Il relate les batailles, les victoires et les défaites. Il dénonce les exécutions sommaires de ceux qui luttent contre le fascisme, par leurs propres chefs, ainsi que les guerres intestines qui parasitent les combats. Il parle à son fils de ces hommes et ces femmes qu'il a rencontrés et leur rend hommage. Il décrit les exactions et les meurtres déguisés en accident. le roman continue avec son enfermement dans un camp, puis dans celui de Djelfa, en Algérie, le retour en Russie et la création d'Israël. Nous apprenons également le terrible destin de Tsipora, la maman d'Alec, celle que Sioma a toujours aimée et qui l'a toujours aimé.


Dans l'ouvrage, est insérée la correspondance entre Sioma et Tsipora, ainsi que celle entre le père et le fils. Toutes ces lettres expriment un amour immense. Elles sont, également, d'une valeur historique inestimable, car chacun se confie sur les évènements et leur inquiétude pour la paix qu'ils espèrent tant. Elles disent, aussi, leur volonté de vivre leur judéité librement. Elles révèlent l'effondrement des idéaux de Sioma, au fil des horreurs vécues.


Âgé de 92 ans, l'auteur Alexandre Thabor, livre l'époustouflant combat pour la liberté et la justice mené par ses parents. C'est une lecture qui nécessite une attention soutenue, en raison de la complexité des faits et de la multitude de noms qui ont partagé le destin de Sioma, cependant, c'est un document exceptionnel. Il est d'une grande richesse historique et philosophique. de plus, il provoque une réflexion intérieure sur le brasier qui a enflammé notre monde, au fil des guerres, et qui n'est pas éteint. En publiant le récit de son père, l'auteur offre un énorme cadeau de mémoire.


Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Temps Présent pour cette masse critique privilégiée.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Un père se raconte à son fils, voilà une scène qui pourrait paraître, somme toute, plutôt classique.

Mais là, où cette histoire se révèle plus forte est que, le père en question, a connu la révolution russe, les débuts des combats israélo-palestiniens, la guerre civile espagnole et bien d'autres choses encore.

Ce qui est aussi admirable c'est la motivation même pour ces combats : celle de combattre pour un monde plus juste, une égalité des droits entre tous.

Ce parcours n'est pas seulement celui d'un homme qui se raconte à son fils, c'est l'histoire de toutes ces personnes qui ont à un moment quelconque de l'histoire refusé de condamner l'autre car différent, qui ont su voir la réalité des autres.

C'est aussi une très belle histoire d'amour, forte et lumineuse qui a commencé par un simple échange de regard.

Alexandre Thabor montre aussi très bien quel a été le coût des engagements de ses parents. Il est vrai qu'il est difficile d'oeuvrer activement pour un monde meilleur et de concilier cela avec une vie de famille tranquille et sereine.

Ce livre est un bel hommage filial mais aussi une plongée dans ce vingtième siècle si troublé.

Mon bémol résiderait dans la multitude de faits, de personnes et d'événements décrits qui m'ont perdu à plusieurs moments du récit.

Mais, au final, une belle découverte et une belle élégie à des gens justes qui ont rêvé, malgré ce que cela promettait d'impossibilité, à la paix et la fraternité.
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