tu sais ce que nous disons, expliquait-il, quand tu lis un texte puis un autre, la lecture du deuxième texte est influencée par le premier, et quand tu relis celui-ci il est devenu un troisième texte. les mots restent les mêmes mais leur sens a été modifié, tu ne peux revenir en arrière, tu dois passer sans te perdre d’une bifurcation à l’autre.
Paragraphe 59.
la création est fille de barbare, elle pousse en des terres arrosées de sang, elle flétrit dans les périodes de tranquillité et renaît après les temps de désastres et de malheurs quand les imaginations ébranlées par des spectacles terribles peignent des réalités inconnues de ceux qui n’en furent pas témoins.
Paragraphe 55.
il se démontre que la totalité de l’information contenue dans la bibliothèque est nulle et que toute idée vraie se voit neutralisée par la somme des idées fausses qui la contredisent
Paragraphe 47.
ils habitaient autrefois un monde changeant où régnaient le chaud et le froid, où se succédaient la lumière et l’obscurité […] un monde ouvert à tous les vents, totalement asymétrique, où les hommes vivaient dans l’angoisse du besoin. c’était un peuple vigoureux et batailleur dont l’existence était un long combat pour survivre. impitoyables, brutaux, ignorants, ils allaient et venaient dans des territoires sans chemins, ils affrontaient cette nature exubérante pleine de bénédictions et de maléfices qui les nourrissait et les frappait durement. ils guerroyaient pour la conquérir. ils savaient trancher, déchirer, tuer. ils tombaient à tout âge. ils pouvaient être forts pleins de vie et un instant plus tard morts baignant dans leur sang. un jour, dans ce monde cruel où seule la fin était certaine, ils sentirent qu’il fallait se garder des pièges de l’imprévu. ils avaient élevé des murs, édifié des citadelles imprenables. ils en avaient exclus les êtres qui n’étaient pas eux-mêmes. ils se firent plus tolérants et cessèrent de se battre. le suicide leur devint insupportable. ils oublièrent qu’on ne peut respirer sans risquer de mourir. ils s’en louèrent et gagnèrent des parts de vie. leurs anciens le regrettèrent. sans la guerre, disaient-ils, l’existence a perdu beaucoup de son plaisir.
Paragraphe 55.
qui tourmente les démons sinon les anges
Paragraphe 35.
la fureur combinatoire de l’homme de la bibliothèque n’a d’égale que sa passion classificatoire. même si ça n’est qu’un jeu il faut avoir essayé de classer les livres pour se rendre compte de la futilité de l’entreprise.
Paragraphe 46.
personne ne s'accorde sur la définition de remarquable. les livres distingués par les peuples seraient donc les plus rares. vraiment ?
Paragraphe 46.
est-ce que les hommes meurent pour que le monde se transforme ou pour ne pas voir qu’il se transforme
Paragraphe 163.
le jour où tout être humain se découvre scribe le temps est venu de la surdité et de l'incompréhension universelle.
assez extraordinaire, assez magnifique, assez unique, assez stupéfiant, assez terrible, assez intolérable, assez atroce, assez désespérant, assez vertigineux, assez fascinant, assez incroyable, assez dramatique, assez révoltant, assez radical, assez inoubliable, assez inadmissible, un peu, plutôt, relativement, c’est ainsi que parlaient ceux qu’on appelle le vieux peuple parce que leur nom s’est perdu. cette façon tiède de s’exprimer, comme s’ils redoutaient leurs propres pensées, constitue l’un de leurs traits les plus déroutants
Paragraphe 55.