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Critique de franksinatra


Le 7 octobre 2018, il ne fait pas bon se promener dans un parc à la nuit tombée dans la ville tentaculaire de São Paulo au Brésil quand on est homosexuel car c'est le soir de la victoire au premier tour de l'élection présidentielle du populiste Jair Bolsonaro et certains voyous y voient comme un blanc seing pour se livrer aux pires exactions envers la communauté LGBTQ déjà largement martyrisée dans le pays.
Quand , de plus, le dit-homosexuel affiche clairement sur son tee-shirt sa franche opposition au leader de l'extrême droite, alors sa vie est clairement en danger. Pédé ET gauchiste, c'en est trop pour les trois jeunes délinquants qui rôdent dans le coin. Alors ils l'assassinent froidement. Et ce n'est pas la Policia Militar dont nombreux sont les membres nostalgiques de la dictature militaire, au pouvoir de 1964 à 1985, qui va faire des efforts pour retrouver les coupables.
Ce crime restera t il impuni comme celui du directeur de la British School, un établissement scolaire huppé de la capitale de l'Etat, perpétré en 2003 et pour lequel les inspecteurs Mario Leme et Ricardo Lisboa, de la police civile, ont été sommés par leur hiérarchie de ne pas faire de vagues et de trouver, avec le concours de la policia Militar, un coupable bien commode parmi les membres du PCC, le Premier Commando de la Capitale, la mafia locale sur les hauteurs de Paraisopolis, la plus grande favela de la mégapole.
Sur fond de corruption, de marchés truqués, de politiques gouvernementales détournées, de scandales sexuels, l'enquête vieille de quinze ans rebondira au fil des événements comme les mutineries dans les prisons, les prises d'otages et les attaques lancées par le PCC en mai 2006 à l'occasion du week-end de la fête des mères ou la destitution de Dilma Roussef, la 36ème présidente du Brésil qui a succédé à son mentor Luis Inacio Lula da Silva et à la tête du Parti des Travailleurs.
Hommes et femmes politiques de tous bords, hauts fonctionnaires, journalistes, membres de la pègre et black blocs, juges, entrepreneurs et industriels, avocats et même un ex agent de la CIA, consultant free lance d'un important fonds spéculatif se retrouvent à un moment ou un autre en lien avec les deux meurtres à travers des activités à priori fort éloignées de l'enquête principale.


Je remercie Babelio et les Editions du seuil de m'avoir permis de découvrir Brazilian Psycho. Un titre à la Bret Easton Ellis, une forme et un fond fortement inspirés par James Ellroy, "Brazilian Psycho" est un polar noir de haute facture qui clôt le São Paulo Quartet de l'auteur anglais. "Paradise City", "Gringa" et "Playboy", les précédents opus de la tétralogie n'ont pas été publiés en France et c'est bien dommage s'ils sont du même calibre (pour un polar la métaphore s'impose) que ce dernier tome dans la postface duquel Joe Thomas rend un court mais vibrant hommage tout en pudeur au "Demon Dog de L.A". Comme l'auteur du "Dalhia noir" et de "L.A. Confidential" pour la Cité des Anges, Thomas nourrit pour São Paulo, la plus grande ville sud-américaine qu'il connait bien pour y avoir vécu une dizaine d'années, une attraction-répulsion extrêmement forte, car même s'il nous en décrit les horreurs et les dangers, on sent chez lui combien il aime cette ville dynamique, forte et aussi complexe, comme l'intrigue qu'il livre tout au long des 590 pages de ce roman foisonnant, aux personnages multiples, réels ou romanesques et dont les destins croisés et les ambitions parfois tortueuses font qu'on ne sait pas toujours clairement pour qui ils "roulent" et qui composent ainsi un portrait épique du Brésil contemporain. En mêlant (ou emmêlant) fiction et réalité, l'auteur nous plonge avec talent dans une société où la corruption endémique fait partie inhérente du système et qui se trouve prise entre deux feux : une gauche corrompue jusqu'à la moelle mais qui a une vision idéologique et une politique gouvernementale de progrès en adéquation avec ses convictions ou une droite dure et dictatoriale qui livre le pays à la toute puissance de la police et de l'armée pour faire régner l'ordre. Difficile, en fait, pour le pays de concilier les deux axes de sa devise.
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