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Critique de lecture_matinale


J'ai reçu ce roman dans le cadre de l'opération « Masse Critique », je remercie sincèrement Babélio et les éditions du Seuil de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage. Il s'agit d'une chronique sociale qui se déroule au Brésil, dans la mégapole de Sao Paulo, plus grande ville du Brésil, entre 2003 et 2019. L'auteur anglais, Joe Thomas, a vécu une dizaine d'année à Sao Paulo, ce qui lui permet de nous faire partager l'atmosphère très particulière de cette ville mêlant corruption, pauvreté, délinquance, drogue, prostitution mais aussi le monde des ultras riches des quartiers d'affaire.
L'auteur mêle adroitement fiction et réalité, il explique d'ailleurs très bien dans sa postface les éléments qui relèvent de la réalité et ceux qui relèvent de la pure fiction. Ceci rend son ouvrage particulièrement crédible, très ancré dans la réalité de cette ville gigantesque. C'est pourquoi, j'ai introduit cette chronique en parlant d'une chronique sociale et je dirai même politique. Cet ouvrage est intéressant en ce sens car il nous éclaire fortement sur les évènements qui ont amené à l'accession au pouvoir de Jaïr Bolsonaro. C'est à, mon sens, un des intérêts majeurs de ce roman. En effet, les dérives sous les présidences de Lula et Dilma Rousseff issus du parti des travailleurs ancrés à gauche, ont finit par induire un changement radical au niveau politique. Ce changement a été fortement appuyé par les riches milieux d'affaires, les catholiques conservateurs et la police militaire nostalgique de la dictature à grand renfort de populisme et de magouille. L'auteur nous explique très bien, également, comment le Brésil est devenu le 1er pays au monde par le nombre de crime commis à l'encontre de la communauté LGBTQ en lien avec la montée du populisme qui a légitimé ces exactions.
Mais c'est aussi un roman noir dont le fil conducteur est un crime odieux commis sur le directeur d'un école britannique de Sao Paulo. L'enquête freinée par des intérêts liés au pouvoir local qui s'exprime par le biais de la police militaire cherchant à tout prix à enterrer cette affaire en désignant un coupable facile et pauvre, que l'on peut aisément acheter, au sein d'une favela de Sao Paulo. C'est grâce à l'engagement et à la pugnacité de deux policiers de la police civile que l'on connaîtra la vérité sur cette affaire. Une part importante de ce roman se déroule au sein de Valpareiso, une des principales favela de Sao Paulo. On y découvre la vie de ce quartier, l'organisation qui la régit et qui régit son économie parallèle, mais qui permet aussi, de vivre ou survivre à une grande partie de sa population. On y apprend les règles de vie dans les favelas, on vit le soulèvement de la fête des mères qui a réellement eu lieu et la répression sourde et aveugle qui s'en est suivi par la police militaire. La vie dans les favelas est extrêmement difficile, ce qui apporte beaucoup de noirceur à ce roman, mais les personnages en sont d'autant plus attachants. On suit notamment la vie de deux petits délinquants, Rafa et Franginho, habitants la favela de Valpareiso. On suit leur évolution, leurs rapports avec l'organisation mafieuse qui régit ce quartier. Ces deux personnages majeurs sont très attachants et leur amitié indéfectible est source d'espoir dans cette noirceur.
L'auteur a un style très direct, très haché par moment. Il y a beaucoup de description qui nous permette de s'imprégner de l'atmosphère de cette ville tentaculaire. Cependant, le récit est parsemé de dialogue, ce qui le rend très vivant malgré tout. C'est un roman particulièrement dense, les personnages sont nombreux, les intriques et les faits également mais tout finit par se regrouper et le final est de mon point de vue plutôt réussi. Je peux comprendre également que cette densité puisse gêner certains lecteurs, c'est vrai que ce roman demande un effort, il est exigeant. J'ai eu des lectures bien plus faciles. L'auteur a inséré par moment des articles de presse, des points de vue différents, des scènes vues et racontées par différents personnages. Ce qui implique qu'il faut en permanence savoir se situer dans le temps et dans les lieux. Pour certain personnage, la narration est à la première personne, ce qui la rend plus immersive. Pour d'autre, la narration est à la troisième personne, ce qui amène plus de détachement. Dans certains dialogues, on retrouve des expressions en brésiliens, ce qui peut gêner la lecture ; personnellement, ça ne m'a pas gêné, même si par moment certaines sont un peu répétitives et n'amène rien « entendeu » par exemple.
Au final, j'ai passé un bon moment. Ce roman m'a permis de me plonger dans un pays que je ne connaissais pas du tout et que j'ai donc pu découvrir par certains aspects, pas forcément les plus reluisants et les plus réjouissants. On n'est pas du tout sur les plages de Rio baignées par le soleil, mais plutôt dans le crasse des favelas de Sao Paulo. Pour ma part, je préfère largement cet aspect là. Par certains côtés de la plume de l'auteur, j'ai retrouvé du Don Winslow qui est un auteur que j'aime beaucoup voire du James Ellroy. Pour les amateurs, n'hésitez pas, sans être un chef d'oeuvre c'est une bonne lecture de qualité.
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