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Critique de Ode


Ode
19 janvier 2014
L'échange des princesses est une promesse non réalisée… à double titre.

Du point de vue historique, d'abord. En 1721, l'idée brillante germée dans l'esprit du Régent d'unions croisées entre la France et l'Espagne, pour enterrer la guerre de succession et, au passage, mettre sa fille sur le trône d'Espagne, n'a pas fonctionné comme prévu. Anna Maria Victoria, 4 ans à peine, fille de Philippe V d'Espagne, gagne Paris pour épouser Louis XV, tandis qu'Anne Elisabeth de Montpensier, 12 ans, est livrée à Madrid pour épouser l'infant don Luis, prince des Asturies. « Oui, une idée brillante — et d'une symétrie sans défaut. » Sauf que le peu de goût de Louis XV et de la princesse de Montpensier pour leurs conjoints respectifs ne facilite pas l'affaire. La mort du Régent fera le reste…

Quant au roman, le début aussi était brillant ; enfin du style et de l'élan ! me suis-je dit. Point de phrases plates, Chantal Thomas épice son récit d'horreur (l'autodafé), d'un brin de fantastique (les poupées de l'infante) et de sexe (l'initiation du jeune Louis XV). Elle a un véritable talent pour décrire la cruauté dissimulée derrière un semblant de respectabilité, « la barbarie à sourires polis » déplorée par Mme de Ventadour. Mais moins de cent pages après, ma lecture s'enlisait dans les innombrables extraits de lettres et de "gazette" d'époque. Avait-elle besoin de citer chaque source dans le texte pour prouver son indéniable travail de recherche, poussant l'exactitude jusqu'à reproduire les fautes d'orthographe des missives originales ? Si la partie romancée est vivante, la citation des archives est pesante. L'auteur aurait gagné à "digérer" ses sources pour ne pas rompre le fil du récit, comme l'a fait, par exemple, Françoise Chandernagor dans "L'allée du roi".

Mais le véritable problème avec cette histoire, c'est que ses deux héroïnes ont justement été oubliées par L Histoire. Même si l'auteur met en avant leur destin dans ce qu'il a de plus intime, voire poignant, leur charisme est limité. Anna Maria Victoria n'est PAS Marie-Antoinette… Certes, la petite infante est charmante et étonnamment en avance pour son âge, mais il est difficile de bâtir tout un roman sur une fillette de 4 ans. de l'autre côté, la princesse de Montpensier est tellement exécrable (ses caprices et sa mauvaise humeur virent en véritable folie) que l'attachement ou l'identification est impossible. Et naturellement, ceux qui ne devraient être ici que des personnages secondaires éclipsent les deux princesses grâce à leur notoriété, comme le jeune roi Louis XV. L'ombre de Louis XIV, mort quelques années auparavant, plane sur tous les protagonistes. D'ailleurs, l'auteur ne le porte pas dans son coeur, lui et la Maintenon. Sa sympathie va à Monsieur et à sa famille: le Régent, son fils, et sa veuve la princesse Palatine dont elle se plait à décrire les entrevues avec la petite infante-reine.

Mon premier contact avec l'oeuvre de Chantal Thomas n'a donc pas produit d'étincelles. Fonder son roman sur un passage oublié de l'histoire de France était un risque, et si j'ai appris des choses, je n'ai pas été emportée par ce récit assez inégal. Ne dit-on pas que si certains légumes sont oubliés, c'est justement qu'ils le méritent ?
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