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Citations sur Marseille : Marseille Confidential (11)

Boubou surveillait le quartier du haut de sa fenêtre à fumer son kif. La lune formait un beau croissant le drapeau doré au milieu du ciel mauve. On aurait dit le drapeau d'un lointain sultanat. Des minots se poursuivaient en bas sur la placette. D'autres couraient derrière une balle de chiffon. Comme tous les soirs, la porte était ouverte. Le vrombissement des pales du vieux ventilateur couvrait tous les bruits familiers. Le chien du deuxième, le grincement des marches irrégulières, le couinement des semelles en crépe de l'homme qui montait.
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Il avait survécu malgré lui à la grande loterie de la connerie humaine ; et découvert ce trésor de violence ambiguë qu’il conservait désormais au fond de lui comme une arme à n’utiliser qu’en dernier ressort.
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Une défaite, et Sabiani se retrouvait sans mandat électif, pour la première fois au cours d'une décennie qui l'avait vu glisser imperceptiblement du communisme au fascisme, du syndicalisme à la voyoucratie. Cette élection allait-elle signer sa mort politique ? C'était peu probable. L'homme avait de la ressource, de la conviction et du vice. Et la passion du pouvoir dévorait ce type d'homme jusqu'à la mort. En face, qui de Billoux ou de Ferri-Pisani recueillerait les espoirs du vote ouvrier ? En toute logique, leurs voix cumulées devaient faire basculer le secteur vers cette gauche dont Sabiani se réclamait encore. Mais comme Lussats, le héros de la guere se parait de mots qui masquaient mal la réalité de son parcours. Il avait baptisé sa garde prétorienne « phalange prolétarienne » et elle paradait en costumes italiens et souliers vernis. « Phalange ? s'était un jour écrié Ferri-Pisani. Sans doute parce qu'ils portent tous un diamant à l'annulaire !»
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Carbone, pendant ce temps, disposait ses hommes autour du podium. Une quarantaine de porte-flingues, en panoplie de mobsters, formaient un cordon rendu plus dissuasif encore par les mitraillettes Thomson rutilantes tout juste importées de Chicago. Carbone faisait un complexe Al Capone depuis un voyage d'« études » aux États-Unis. Mais les « rouges » n'étaient pas en reste : une cinquantaine d'entre eux s'étaient disséminés dans la foule et n'avaient rien à envier à la garde de Carbone en matière d'artillerie lourde. Pour corser le tableau, l'orage menaçait et un vol d'étourneaux picorait les nuages noirs qui filaient vers la mer.
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Il n'y eut jamais d'excuses, jamais de remords. Dans l'esprit de ces assassins de la plume, ce geste désespéré confirmait les soupçons. Salengro était un lâche, la France en guerre. P 316
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L'orage menaçait et grondait de loin en loin alors qu'ils longeaient le cimetière Saint-Pierre avant de traverser ces quartiers ouvriers de la vallée de l'Huveaune qui hésitaient encore entre la ville et a campagne. La Treille n'hésitait pas. C'était un coin de Provence au coœur de la ville, où l'on s'attendait à tout instant à voir surgir un cantonnier, un puisatier, une lavandière, un berger, tout un petit monde de santons nourri à la farigoulette et élevé au son du fifre et du tambourin. Ils se garèrent sur l'esplanade qui surplombait le profond vallon des Escaouprés et se hâtèrent d'entrer dans I'auberge du Cigalon avant que la pluie tombe. La patronne, une vieille aux traits fripés, sortait elle aussi d'une carte postale sur les petits métiers de nos belles provinces.
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- Moi ? Je ne suis qu'un petit commerçant qui a fait sa fortune dans l'import-export. Gauche ou droite, que m'importe. Mes clients auront toujours besoin de ce que je leur vends. Et le meilleur moyen de se débarrasser une fois pour toutes de la clique socialiste, c'est de la laisser au pouvoir.
P 86
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-Tu viens?je vais chez Carbone.Il aura peut-être besoin lui aussi d'un flic compréhensif...
Filori fit semblant de lui adresser un coup de poing à l'épaule.
-Carbone?Tu sais que j'ai juré publiquement d'avoir sa peau. Et elle doit valoir son prix, vu les tatouages qu'il y a dessus.
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Bien qu'il lui rechignât de le faire, Grimal comprit qu'il allait lui falloir se lancer dans la tournée des suspects habituels, de ces tueurs patentés que chacun connaissait et qui n'étaient jamais bien loin lorsqu'on relevait un cadavre. Les Santucci, Carbone, Spirito et leurs hommes, et ces petits nouveaux dont l'influence grandissait et qu'on disait très proches de Ferri-Pisani : les Guérini. La seule certitude qui habitait Grimal à ce moment précis était que son « collègue » était tombé pour un motif qui le dépassait largement, qu'il n'était que la victime d'une balle perdue dans une fusillade aux enjeux bien plus vastes. Un mort pour l'exemple. Ou un simple instrument pour faire monter la tension, la violence et la peur dont se nourrissait la rue marseillaise pour régler ses querelles.
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Le type qui se tenait dans l'encadrement de la porte lui déplut aussitôt. Quand on avait grandi comme elle à la Belle de Mai, on savait à quoi s'en tenir avec ce genre d'individus. C'était une crapule, un nervi, une bordille» aurait dit sa mère. Attifé au dernier chic avec de l'argent gagné de rapines, il s'était accoudé au chambranle et la regardait de traviole, un sourire mi-figue, mi-raisin plaqué sur sa face mate. Elle comprit qu'il faisait de son mieux pour avoir l'air éploré.
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