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Critique de Presence


Ce tome regroupe 4 histoires courtes parues dans des anthologies de Dark Horse Comics, ainsi que la minisérie en 4 épisodes parues en 2009.

Âme égarée (8 pages) - Une troupe de 5 chiens hurlent pour appeler Le Sage (un autre chien). En effet la niche de l'un d'entre eux semble hantée par un esprit.

La nuit tous les chats (12 pages) - Les chiens ont identifié un groupe d'adoratrices de Sekhmet, une ancienne déité dans leur voisinage, chacune avec leur familier (un chat). Ils doivent intervenir avant qu'elles ne réussissent à invoquer Sekhmet.

Ne réveillez pas un chien qui dort (16 pages) - Dymphna (l'une des familiers de l'histoire précédente) a décidé de se venger des chiens en réanimant les morts. Malheureusement elle a trop bien réussi et elle doit demander l'aide de ceux à qui elles voulaient nuire.

Un chien et son garçon (20 pages) - Ace (le husky) retrouve un humain dans sa niche. Ce dernier a la particularité de comprendre le langage des chiens et savoir le parler. Une forte amitié se développe entre lui et Ace.

Bêtes de somme (4 épisodes de 24 pages) - Les 3 premières sont inoubliables. Page 1 : une pleine page montrant une jolie maison à 2 étages sous un beau soleil printanier avec une superbe pelouse et 3 chiens qui arrivent. Page 2, les 3 chiens papotent avec 2 autres qui sont déjà sur place. Page 3, une pluie de grenouilles s'abat sur eux. Après avoir mis fin à cette manifestation surnaturelle, ils acceptent de se lancer à la recherche de 2 chiots disparus à la demande de leur mère. Puis Orphan (le chat du groupe) part à la recherche de Dymphna dans les égouts pour être confronté à une autre entité surnaturelle. Enfin le groupe de chiens est confronté au meurtre d'un être humain.

Je n'aime pas les chiens, je n'aime pas les chats et je n'ai jamais eu d'animaux domestiques (personne n'est parfait). À la lecture du résumé, je n'avais aucune intention d'acheter cette bande dessinée. Mais un coup d'aeil aux premières pages et la lecture d'autres critiques m'a fait changer d'avis et bien m'en a pris. Dès la première histoire, les aquarelles de Jill Thompson constituent un enchantement rare. Il s'agit d'une artiste qui a fait quelques comics et des séries de livres illustrées pour enfants (Scary Godmother et Magic Trixie), qui a collaboré avec Neil Gaiman sur la série de Sandman (Vies brèves), avec Grant Morrison sur la série "Invisibles" et qui a réinventé la famille de Morpheus à la sauce kawaï dans The Little Endless Storybook.

À la lecture, il est évident qu'elle a une grande affection pour Jack, Ace, Pugsley, Whitey, Rex, Muggsy, Red et Miranda, le groupe de chiens. Pour chacun d'entre eux elle a choisi une race différente : berger allemand, husky, épagneul breton, bouledogue français, labrador, beagle. Elle a pris le parti de les dessiner comme de vrais chiens, avec un langage corporel qui évoque parfois les meilleurs moments des dessins animés de Walt Disney. Il n'y a pas trace d'anthropomorphisme, et le caractère des chiens transparaît au travers des caractéristiques de sa race.

Le récit se déroule dans une banlieue très verdoyante, à proximité d'un bois. Jill Thompson régale la rétine avec des paysages superbes. Je pense en particulier à la page 17 composée de 4 cases. Les 3 premières constituent un découpage d'une seule et même image. Les dessinateurs moins inspirés se servent de cet artifice pour guider l'oeil du lecteur dans sa lecture, avec un résultat généralement factice. Thompson insiste dans la première case de la largeur de la page sur une aquarelle basée sur des tâches de couleurs qui représente le flamboiement des couleurs de l'automne sur le feuillage (les arbres semblent presque la proie des flammes). La deuxième case devient plus précise dans les formes avec une délimitation des contours des troncs et une luminosité légèrement plus faible. La troisième case (le pied des arbres) s'attache sur la présence de créatures tapies dans les fourrés. le résultat participe à la fois de l'art séquentiel dans une forme aussi simple qu'efficace, et de la recherche esthétique picturale.

Thompson semble s'être mise d'accord avec le scénariste pour qu'elle puisse disposer régulièrement de pages sans trop de texte où elle peut prendre plaisir à réaliser des peintures enchanteresses. Son rendu des chiens et du chat transcrit une grande familiarité avec ses animaux, un respect de leur anatomie et une capacité impressionnante à leur attribuer des sentiments, sans les humaniser. Plus inattendu, lors des séquences horrifiques, Thompson se révèle aussi à l'aise et les chiens avec du sang sur les babines constituent une vision qui met mal à l'aise.

Evan Dorkin est le scénariste de la série, et il lui aussi un créateur à part dans le monde des comics américain. Il est surtout connu pour une série très confidentielle et indépendante : Fun With Milk & Cheese, les produits laitiers ne sont pas vos amis. le parti pris de Dorkin est de faire de ce groupe de chiens (avec Orphan, un chat) les défenseurs de ce cette ville contre les attaques surnaturelles. le lecteur ne voit pas passer beaucoup d'humains (les sorcières, et 3 autres humains). Les chiens et les chats parlent le même langage et se comprennent entre eux ; ils restent soumis à leur maître (sauf Orphan) avec des personnalités liées à leur race.

Dorkin joue habilement sur le coté mignon de ce groupe d'animaux familiers, et sur les horreurs occasionnées par les manifestations surnaturelles. le sang coule régulièrement et les blessures infligées aux animaux atteignent le lecteur avec autant de force que s'il s'agissait d'êtres humains. Dorkin provoque une très forte empathie pour ces personnages qui présentent des caractères qui évoquent ceux d'enfants, d'êtres plus innocents que des adultes. Chaque histoire consiste en une enquête assez linéaire sur les causes surnaturelles en jeu et leur défaite. Mais à un autre niveau, chaque manifestation surnaturelle remet en cause une composante de l'ordre établi de notre réalité, une remise en question légère de ce que l'on tient pour acquis.

Il y a fort à parier que comme moi vous serez incapable de résister à ce groupe de héros canins (et un chat) même si vous n'aimez pas les bêtes. Evan Dorkin raconte des contes à faire peur aux adultes dans lesquels le lecteur frémit pour ces personnages si attachants et mignons. Jill Thompson compose des tapisseries à l'aquarelle qui dépassent largement le cadre de la simple mise en images, pour constituer des évocations enchanteresses de lieux et d'animaux. La fin est assez ouverte pour permettre une suite, je souhaite de tout coeur qu'il y en ait une.
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