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Critique de gerardmuller


Au Zénith / Duong Thu Huong
Dans ce roman long de près de 800 pages, l'auteure revient par épisode, sans jamais le nommer, sur la vie privée de son célèbre compatriote le Président Hô Chi Minh (1890-1969) et notamment sur son amour pour une très jeune femme de quarante ans sa cadette qu'il aurait épousée en secret en 1951 ou 1953 et dont il aurait eu deux enfants.
Elle s'appelait Xuan et « il y avait chez elle l'innocence du cristal, l'audace sauvage de l'herbe de la forêt et la simplicité sophistiquée d'une fleur de la jungle. » Mais cet écart par rapport à la ligne du Bureau politique lui valut bien des soucis. Il ne put officialiser cette union. La raison d'État prévalut, le Président ne pouvait avoir de famille, il devait rester le Père du peuple et il céda en vivant loin de Xuan.
Xuan fut assassinée et les enfants recueillis par des proches. Peu à peu le pouvoir lui échappa et à la fin de sa vie, alors que la guerre contre les Américains fait rage, on le retrouve malade, en résidence surveillée près d'une pagode où les prières des bonzesses bercent ses rêveries. Son ami Vu, un homme droit et entier, est à son chevet. Et ils se souviennent…L'évocation des souvenirs de l'homme privé et politique, figure tutélaire du Vietnam, constitue l'essentiel du chapitre. « Après tant de haut et de bas, après tant de trahisons dans sa vie, pour adoucir ses derniers jours, il aimerait peut-être se raccrocher à une image qui lui prouve la bonté de l'homme ? Il ne sait plus… »
Parallèlement, Duong Thu Huong nous offre une parenthèse bucolique en nous décrivant sous forme de chronique, a vie d'une population dans le Village des Bûcherons. Quang, un homme respecté de tous est parvenu après la mort de sa femme à imposer son union avec une très jeune femme, Ngan, âgée de 18 ans, de quarante ans sa cadette. Et cela ne va pas sans anicroches et traitrises même de la part de ses proches les plus intimes. La corruption sévit à tous les niveaux et la guerre entre Quang et son fils Quy plonge la famille dans le plus grand désarroi. Un intermezzo intéressant et qui s'avère à la fin riche d'espérance.
Dans un style poétique, simple et fluide, Duong Thu Huong nous décrit les traditions paysannes, culinaires avec force détails, et sociales du Vietnam. Au Vietnam, « les anciens disent que si tu veux un homme, choisis sa notoriété, si tu veux une femme, choisis sa famille. »
Plus loin, le Président se plait à se remémorer l'époque où il était à Paris, ce Paris que secrètement il aime toujours et dont il rêve avec le souvenir de la petite couturière qu'il séduisit et dont il eut sans doute un enfant qu'il ne connaîtra jamais.
Xuan et toujours là aussi dans ses songes, il ne peut l'oublier avec les années. Il a aimé les femmes, beaucoup aimé.
Il a connu aussi une certaine Minh Thu qui avait une mission révolutionnaire fourbie par le Parti : séduire le Président à tout prix pour le faire rentrer dans la ligne droite des bonnes moeurs. Malgré toutes les tentatives de la pauvre femme, le Président ne succomba pas. Ce chapitre est également très politique et la critique du régime, sujet de toutes les turpitudes, développée par l'auteure: « Toutes les vraies révolutions ont libéré les forces productrices et élargi le champ de la liberté. Hélas notre Révolution, si elle a obtenu l'indépendance de notre peuple, n'a pas libéré la capacité de production. Au contraire, en détruisant toutes les valeurs culturelles populaires, elle a mis à bas la force de production. La réforme agraire a été un méthodique démantèlement à grande échelle de notre paysannerie. D'un point de vue sociologique, la Révolution a fait remonter la vase à la surface de l'eau. Elle a mis au jour les cadavres de crapauds, les pourritures d'algues et les déchets qui y traînaient. »
En vérité, tout l'appareil d'État est encombré de canailles, de voleurs et de prostituées de bas étage, de prolétaires voyous soumis à leur passion de la violence qui alors leur ouvre la voie de toutes les cruautés et de toutes les immoralités. Ces sadiques, ces tueurs à gage ne connaissent que la soif du pouvoir et sont pressés d'occuper les meilleures places.
Il est utile de rappeler que l'auteur, ancienne dissidente fut assignée à résidence jusqu'au jour où elle a fui son pays pour venir en France : c'était en 2006.
Rappelons aussi que Hô Chi Minh fut le fondateur du Parti communiste vietnamien et de la République démocratique du Vietnam. À la fin de sa vie, malade, il se serait donné la mort en arrachant ses perfusions.
Ce récit romancé, où convergent son combat politique et son talent littéraire, est considéré par la critique comme le chef d'oeuvre de Duong Thu Huong. Se succèdent les points de vue du Président lui-même, ceux de Vu son meilleur ami dont la femme révolutionnaire pure et dure symbolise la corruption au pouvoir, ceux de Quang le bûcheron, et ceux de An le beau frère de Xuan avide de vengeance.
Au chapitre des critiques personnelles de ce livre, je pense qu'il y a quelques longueurs et que le lien entre les différentes parties n'est pas toujours évident.
Pour mieux comprendre le récit, une brève biographie de Ho Chi Minh n'est pas inutile. Né le 19 mai 1890 à Kim Liên, petit village de la région de Vinh au nord de ce qui était alors l'Annam, Ho Chi Minh de son vrai nom Nguyên Sinh Cung, fut dans son enfance marqué par le licenciement de son père alors professeur, par les colons français. Dès lors il eut dans l'idée de chasser l'envahisseur. Il fit cependant ses études dans une école privée en France et travailla comme marin pour voyager dans le monde entier tout en étudiant. Il s'installa en France en 1917, découvrit les oeuvres de Karl Marx, participa à la création du parti communiste français, et rentra au pays en 1924. Il rejoint la Chine pour perfectionner ses connaissances en matière de stratégie pour instaurer le communisme dans son pays. Dans les années 40 il crée le Viet Minh. En 1945 il proclame la République démocratique du Vietnam et l'indépendance du pays. C'est le début de la guerre contre la France. Après la défaite française le Vietnam est coupé en deux, au Nord les communistes, au sud les restes du corps expéditionnaire français vite remplacé par les Américains. La guerre contre les Américains et les Sud Vietnamiens débute alors qui va durer 21 ans. Ho Chi Minh crée en 1960 le parti Viet Cong pour la réunification du pays. Il meurt le 2 septembre 1969 alors que les combats font rage.


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