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Critique de Seraphita


Une femme raconte pêle-mêle ses souvenirs, depuis son enfance au Vietnam jusqu'à son destin de boat-people, fuyant ce pays vers une contrée plus accueillante, celle du rêve américain, le Québec. Auparavant, elle aura vécu avec ses proches dans un camp d'internement en Malaisie.

Un mot pour commencer sur le titre insolite de ce roman : « ru ». En français, ru signifie « petit ruisseau » et, au figuré, « écoulement (de larmes, de sang, d'argent) » (Le Robert historique). En vietnamien, ru signifie « berceuse », « bercer ». Ce titre résume les deux grands objectifs de ce roman : le témoignage d'une souffrance, celle de l'exil et de la recherche identitaire, la volonté de « bercer » en contant une histoire qui comprend sa part de beauté, celle du souvenir de moments – souvent malheureux – mais aussi heureux.

Il s'agit du premier roman de Kim Thuy, écrivain qui a fui le Vietnam à l'âge de 10 ans pour rejoindre le Québec qu'elle habite depuis une trentaine d'années. Dans ce roman, la narratrice - dont on pressent qu'il s'agit de l'auteur - dépeint, en de très courts chapitres (d'une ou deux pages), l'écheveau de ses souvenirs. Les récits sont tour à tour drôles, tragiques ou émouvants.

« Ru » nous présente des tableaux successifs, il est écrit par petites bribes, avec des va-et-vient géographiques et temporels, à la manière d'un puzzle. Ce roman en quelques sortes en lambeaux dit la vie de Kim Thuy, éclatée. le passage d'un chapitre à l'autre se réalise par évocations ténues. Ce procédé donne la légèreté de l'ouvrage et sa poésie, même si l'auteur dépeint, derrière cette légèreté, l'aspect tragique de son destin.

On peut voir dans cette oeuvre un roman de reconstruction, à travers la force de vie de l'auteur ainsi que la générosité des québécois qui l'accueillent. Kim Thuy a dû opérer un véritable travail de deuil par rapport à toute sa vie passée au Vietnam. Elle a été dépossédée de tout ce qui faisait sa vie avant et a dû se reconstruire au Québec. Cette contrée constitue en quelque sorte une page blanche où elle va pouvoir réécrire son destin.

Voici un roman qui nous parle du travail de mémoire, la narratrice abordant son enfance, et à travers elle, sa famille nombreuse, aux ramifications multiples. A travers une histoire singulière, où le lecteur découvre des moeurs vietnamiennes – l'alimentation par exemple ou encore des coutumes – c'est l'Histoire d'un pays qui nous est contée, notamment l'arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam. La narratrice expose ses fragilités, ses souffrances – telle la maladie (l'autisme) de son fils – mais aussi ses moments plus heureux.

Reste l'ambivalence fondamentale de l'auteur, son état « hybride » : elle nous dépeint l'inconfort, le malaise des déracinés, à cheval entre deux cultures.

Un roman court (un peu moins de 150 pages) qui a obtenu le grand prix RTL-Lire 2010.
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