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Critique de Nicolino


« Vingt Stations », le dernier livre d'Ahmed Tiab, était une longue errance douloureuse à travers Oran. Avec « Entendez-vous dans les campagnes », il revient en compagnie de son inspecteur Lotfi Benattar, spécialiste du terrorisme islamiste au sein de la DGSI. Ce flic est un concentré de souffrances, un vrai survivant un peu bancal, pas toujours agréable, mais d'une stabilité à toutes épreuves. Un vrai héros de roman.

Dans un coin du Morvan, Émilien, 16 ans, est retrouvé mort quelques jours après sa disparition. À deux kilomètres, trois jeunes gars s'évaporent d'un centre de déradicalisation.
Voilà de quoi satisfaire le voyeurisme des chaînes d'infos continue. C'est Marie-Aliénor Castel de Fontaube, jeune journaliste irascible et ambitieuse qui se trouve dépêchée sur place.
Elle attend que les gendarmes retrouvent le corps du disparu. Issue de la grosse bourgeoisie, à la haute fonction publique elle a préféré le journalisme et se rêve en bourlingueuse.
Tous deux, avec Lofti Benattar et sa carcasse déglinguée, ils tiennent le roman. Uniques éléments extérieurs de ce bourg perdu, ils cotoient bien malgré eux les autres personnages, tous enracinés à Verniers. Les deux jeunes gendarmes qui se rêvent en Rambo, Pif le jardinier, la famille du jeune décédé, un patron mutique de motel pourri, etc. Enfin il y a Camille, demi-soeur d'Émilien. Écorchée pas bien farouche un peu camée, on la voit peu, mais elle est omniprésente, comme le brouillard local.

L'écriture est précise, dynamique, les phrases claquent, les dialogues sont rythmés, il faut ajouter quelques belles saillies teintées d'un humour noir brillamment aiguisé. Ahmed Tiab n'est pas adepte de la digression : l'histoire et uniquement ce qui la fait avancer. Tout détail donné a son importance, il faut rester aux aguets durant la lecture.
Au passage, l'auteur en profite pour brosser le portrait d'une province un peu oubliée, loin de tout, avec ses petits trafics et ses affaires de famille, d'héritage et de partage de terres, de vengeances recuites ; tout juste bonne à accueillir ce que les villes de pouvoir ne veulent pas chez elles, comme ce centre de déradicalisation.

L'enquête, ou les enquêtes, avancent avec lenteur, Ahmed Tiab entretient le flou durant toute l'histoire. Les hypothèses sont nombreuses, il ne cherche pas non plus à nous emmener dans une direction particulière ou dans une autre. Il amasse les renseignements, les interrogatoires plus ou moins formels. Il laisse vivre ses personnages, nous laisse tenter de trouver un début de piste dans cet intense brouillard morvandiau jusqu'au final musclé, un véritable western, dont certains ne se rélèveront pas.
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