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EAN : 9782815942164
208 pages
Éditions de l’Aube (08/04/2021)
4.43/5   7 notes
Résumé :
Un homme monte dans un tramway pour faire la traversée de sa propre vie. Le trajet est silencieux, solitaire, et s'effectue comme une saignée dans une ville minée par les paradoxes et les rancœurs. Chaque station remplit la rame de personnages et de souvenirs. Chaque station les chasse à nouveau, faisant resurgir la douleur de l'absence. Cet homme a pourtant toujours refusé de rejoindre la meute, mais lui laisse-t-on seulement le choix ? Dans ce roman, il est questi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Je m'installe pour un voyage sans destination à travers les rues et les boulevards de cette ville obsédante et cruelle. Je cesse d'exister et contemple le monde. »
L'incipit prend place dans un renom émouvant.
« J'ignore pourquoi je me retrouve là »
« Vingt stations » est une déambulation exutoire, un chef-d'oeuvre à l'aube-née. Un voyage empreint d'intériorité, mais il n'est pas l'heure encore pour la renaissance. Ahmed Tiab observe, en quête du geste, du regard qui retiendra son attention pour le faire sien. Chacune des stations symbolisent le pays où il vit et qui va connaître des jours sombres. Ce récit kaléidoscope dévoile un homme éprouvé, blessé dans sa chair qui s'épanche station après station. Prenez le temps de l'écouter. Ahmed Tiab devient le reflet des confidences, de ce qui va advenir subrepticement. Ne doutez jamais. Ne vous arrêtez pas avant la dernière station. Nous sommes près de lui, en assise dans les paysages, les mouvements, les êtres et la ville qui s'agite. « Vingt stations » et l'errance travaille sa pierre, avance l'oeuvre infinie d'un auteur qui se heurte aux drames d'un pays chaotique.
« Les consolations où les écoliers quittent la chaleur réconfortante des lits et les foyers aux odeurs douces. »
L'homme relie ses pensées aux roulements du tramway, en proie à la guerre civile. Les extrémismes religieux, les interdits, sa vue se brouille.Le périple sonne le glas de l'irréversible. Son enfance meurtrissure, une mère rejetée du foyer dont les écarts n'étaient que la libre-pensée, l'attrait pour l'impalpable. Trop âgée, elle disparaît, reniée. le vide est comble d'une petite cousine qui veille sur l'enfant. Jusqu'au jour où son père se remarie avec elle. Trente ans d'écart, la jeunesse fauchée en plein vol. Nedjma, colombe aux ailes brisées.
« J'ai claqué derrière moi la porte de l'enfance et il n'en subsiste que de fulgurantes douleurs. Un feu de Bengale de picotements sur la peau. C'est parce que je ne lâchais rien que les adultes me dressèrent à céder, à tout accepter. »
L'enfant grandit. Nedjma est l'ultime horizon. La pureté de l'innocence, le pays côté ciel, les respirations salvatrices, l'Ode à la joie. La guerre sournoise fait des ravages. L'Algérie franchit la ligne rouge.Le frère est un ennemi, terroriste, le voisin, un traître. Plus de rires, d'embrassades, de musique. Les maisons ont les persiennes en larmes, les femmes baissent les yeux, oppressions, la liberté anéantie. « L'homme est loup pour l'homme » à l'instar de Pline. Que se passe-t-il dans cet initiatique voyage qui se heurte au réel immanquablement ? Sans destination, la solitude qui tresse les pavloviens rappels. Douleurs d'un peuple ravagé par les horreurs, les corruptions, les meurtres et les petits arrangements.
« Un moment de répit où la rue vit le miracle du vide. Dès mon enfance où la meute établissait déjà sa loi aux abords de l'école. Premier à prendre les coups et dernier à les voir venir. »
« Vingt stations », Nedjma l'espérance.Le tramway s'enfonce dans un gouffre parabolique.
« Nos assassins sont encore de ce monde. Ils sont en liberté. Ils peuvent vivre tout près de nous. On pourrait leur sourire et leur dire merci. Merci d'avoir causé notre malheur. »
« Ils se sont remis à tout mélanger dans nos esprits. Qui étaient les bons ? Qui étaient les mauvais ? »
« Vingt stations » est engagé, sociétal, bleu-nuit, loyal. Que va-t-il se passer au terminus ?
« Les consolations les plus infimes font oublier les plus grandes tragédies. »
Une urgence de lecture. Piédestal de la littérature !
Publié par les majeures Éditions de l'Aube.

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(...)
Auteur d'une série de six romans policiers consacrés au commissaire oranais Kémal Fadil, Ahmed Tiab (1965) signe avec Vingt stations (2021) un roman indépendant centré sur la vie d'un homme pris dans les tourments de l'Histoire algérienne de la fin du XXème siècle.

« A toutes les victimes de la décennie noire. Aux femmes et aux hommes assassinés pour avoir résisté à l'obscurantisme par la culture et la lumière. »

Vingt stations est un roman engagé inspiré de faits réels dans lequel Ahmed Tiab revient, à travers notamment l'histoire d'un amour interdit, sur la terrible Guerre civile ayant opposé divers groupes islamistes au gouvernement algérien entre décembre 1991 et février 2002.

Un homme sur le qui-vive monte au hasard à bord d'un tram pour un voyage sans destination précise. S'il apparaît dès les premières lignes que quelque chose de grave a dû se produire, il faudra attendre les dernières pages pour en connaître la nature et les raisons. Dans l'attente du dénouement, nous allons accompagner cet homme avachi dans un état second sur un siège près de la fenêtre dans un long et intense voyage à travers l'espace et le temps.

Au gré des stations qui défilent, au fil des heures qui s'égrènent, cet homme -le narrateur- partage malgré lui son petit espace vital avec de nombreux passagers issus des diverses strates de la société algérienne qu'il ne peut s'empêcher d'observer alors qu'il n'aspire qu'à la solitude et à l'oubli. Avec surprise, il constate également l'immense étendue de la ville et découvre des quartiers et des zones suburbaines qui lui étaient jusqu'alors inconnus. Toutes ces considérations sont à l'origine d'intéressantes remarques sur les réalités socio-économiques et politiques de la société dans laquelle il (sur)vit.

Le narrateur se révèle être un homme seul, solitaire, un homme profondément meurtri depuis l'enfance et aujourd'hui encore -peut-être plus que jamais- tourmenté par les fantômes du passé. Au voyage spatial s'ajoute dès lors un voyage temporel. Au gré des stations qui défilent, au fil des heures qui s'égrènent, nous plongeons ainsi dans son passé douloureux, depuis son enfance difficile au sein d'une famille instable dans laquelle régnaient l'irrespect et la violence jusqu'aux événements récents qui ont fait basculer sa vie à tout jamais.

Avec sensibilité, Ahmed Tiab raconte un homme. Un enfant mal-aimé devenu un adulte aimé et aimant mais traumatisé à jamais par l'impunité régnant dans un pays ayant sombré dans le chaos de la guerre et de l'extrémisme religieux. Il raconte l'enfance difficile et les violences intra-familiales, l'espoir d'une vie plus douce grâce à l'amour, même s'il est interdit. Avec lucidité, Ahmed Tiab raconte un pays. La guerre et son lot d'horreurs, le fanatisme religieux, l'inacceptable impunité et la paix illusoire. Il évoque le devoir de mémoire et la nécessité absolue de rechercher la vérité et de rendre la justice, étapes essentielles dans tout processus de paix sans lesquelles toute réconciliation nationale est impossible.

(...) j'ai été ravie de découvrir l'univers très intéressant d'Ahmed Tiab, son regard sensible et sa plume ciselée.

Vingt stations fut une très belle découverte et une plongée originale dans un pan plus récent de l'histoire algérienne. A découvrir.


Lien : https://livrescapades.com/20..
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Oran, un homme monte dans un tramway, en même temps les questions affluent. Qui est-il ? Qu'a t-il fait ? Où va t-il ? Il semble émerger d'une nuit qui a duré des lustres. Ses nom et prénom ne nous sont pas révélés, ce que l'on sait de lui est défini en miroir des autres personnages, en négatif.
Rapidement on comprend vers quelle époque de l'histoire algérienne se situe ce périple en tram qui n'a rien d'une procession ou d'un chemin de croix, bien que la douleur soit présente de bout en bout. le référendum de «Concorde Civile» qui amnestie tous les combattants et leurs crimes des années noires a lieu en 1999. C'est donc peu après vraisemblablement que l'homme sonde ses souvenirs.

Alors que le tram progresse et que les passagers montent ou descendent, l'homme remonte dans ses souvenirs et évoque des fragments, des débris de sa vie du plus lointain d'abord au plus récent. Ces stigmates sont anciens et familiaux en même temps que récents et sociaux. Simultanément il nous décrit ce qui se passe dans le tram ; d'un paragraphe à l'autre le récit change, ce qui pourrait paraître abrupt est curieusement fluide et ce malgré la brutalité du propos. La vie de cet homme se confond avec la ligne de tramway.
La violence est omniprésente, que ce soit le poids de la famille, des traditions, des conventions sociales, ou celle de la religion, de l'État et de ses forces. Et il y a sa rage à lui, l'homme du tram, comme sa mémoire nous l'assène à grands coups de phrases puissantes, lapidaires, qui font chavirer le coeur et l'estomac jusqu'à l'acmé finale.

Vingt Stations est bien sûr le récit de cet homme, mais c'est également une histoire de l'Algérie et des femmes algériennes, des ténèbres dans lesquelles elles s'enfoncent en même temps que leur pays. En écrivant ce texte, Ahmed Tiab sauve la mémoire d'un pays, pour ne pas oublier les victimes des années noires.
Vingt Stations n'est pas un polar, pas vraiment d'enquête ni d'intrigue ou de suspense. Alors ? Un roman noir peut-être, un roman de la souffrance à coup sûr, et de la vengeance congelée.



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Je découvre Ahmed Tiab avec « Vingt Stations ». Ce périple en tramway dans la ville d'Oran fait partie de mon « tour du monde » avec cette étape algérienne.
Ce voyage en vingt stations nous présente des paysages différents de la ville, les passagers qui montent et descendent à chaque arrêt et font affluer les souvenirs du narrateur ; il nous raconte aussi l'histoire de la ville et du pays, inévitablement liées à celle, personnelle et intime, du narrateur.
Ce trajet en tramway nous emmène sans que l'on sache où l'on va. On écoute les souvenirs, on revit le passé, qui peu à peu nous rapproche du présent.
C'est remarquablement bien écrit, très fort, et très pudique. Un livre qui laisse des traces.
Je recommande cet ouvrage, et me mettrai en quêtes d'autres titres de l'auteur.
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Vingt chapitres qui suivent chaque station d'une ligne de tramway, vingt paysages d'une ville d'Algérie, vingt rencontres avec les passagers et inconnus, et des souvenirs qui défilent dans la tête du narrateur, comme le paysage défile derrière la fenêtre du tram.
L'histoire de cet homme, qu'on découvre depuis son enfance à travers sa mémoire, est très touchante, et triste. Il y a des messages forts dans ce récit, sur la condition de la femme dans ces régions, la gouvernance de la religion et du patriarcat, la montée de l'islamisme et du terrorisme. Certains passages sont doux-amer, d'autres terrifiants.
C'est une lecture percutante, qui ne laisse pas indifférent.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ce matin, je me sens invisible. Le chauffeur ne me voit pas. Je pense qu’il vit son rêve de gosse. Il aime sa solitude puérile à l’intérieur de sa boîte vitrée, son poste de pilotage merveilleux où il veille sur son tableau de bord constellé de boutons multicolores aux clignotements impératifs. Quel enfant ne s’est jamais imaginé devenir astronaute un jour ? Un isolement choisi pour continuer à rêver.
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Video de Ahmed Tiab (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ahmed Tiab
Samedi 21 mai 2022, dans l'Antre des livres, table ronde d'auteurs : Littérature et policier Avec : Ahmed Tiab, Entendez-vous dans nos campagnes, éd. de l'Aube, Yves Chicouène, Rue Legendre, éd. Élan Sud Comment les deux auteurs ont-ils tissé leur intrigue en s'appuyant sur le passé pour expliquer le présent ? De nombreux points communs à découvrir. Animée par Roxane Bertrand. L'antre des livres est le festival de l'édition indépendante qui réunit à Orange (84) des maisons d'édition indépendantes venues de toute la France et De Belgique. https://www.lantredeslivres.com
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