AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Romans fin-de-siècle : 1890-1900 (19)

Le poète est vil par essence, par nature, par définition. Il ne peut ni cultiver le sol, ni augmenter la prospérité publique, ni contribuer au bien, ni museler le mal, ni procréer des enfants à la patrie ;il s’affale dans le plus inutile des métiers, affiche son intime vie comme une grosse femme, trafique de ce que les hommes ont la pudeur de dérober à tous les regards ; il ne connaît que lui, ne voit que lui, ne veut que lui ; son orgueil surpasse encore son insuffisance, et il n’est pas loin de se croire le premier des mortels, pour employer les heures du jour à l’arrangement méthodique et puérils de mots qui ne servent à rien et n’ont d’autre avantage que de présenter le même son. C’est un dégoûté tombé dans l’enfance ; un innocent et un gâteux. La virilité lui fait défaut : impuissant, il n’a même pas le courage de se taire ; il pousse de vagues plaintes. ("Albert", Louis Dumur)
Commenter  J’apprécie          00
En une minime cité de province, plus malsaine qu’immorale, plus stérilisante que perverse, où l’existence avait des longueurs particulières, de spéciales somnolences que ne soupçonnent point les vraies villes, point la pure campagne ; en une sous-préfecture maussade, flasque, incolore, gluante, solitaire et confite en soi, prétentieuse et banale, chaste jusqu’à l’espionnage, inconsciente, naïve, burlesque, ignorée, des humains et les ignorant ; en une moyenne bourgade vulgairement située sur l’inévitable affluent aux ondes grisâtres, aux grèves grisâtres clairsemées de grisâtres roseaux, vague église gothique, pont restauré ; en un de ces trous administratifs et mornes, dont le nom provient d’une ancienne peuplade des Gaules mentionnées dans César ; en un de ces marécages de la sottise, végétaient, monotones et bouffis, son père et sa mère. ("Albert", Louis Dumur)
Commenter  J’apprécie          10
- Et tu le feras, cet Essai ?
- Mon Dieu... tu sais... J'ai commencé...
- Et tu continueras ?
- Mon Dieu... tu sais... Je ne sais pas. En tout cas j'en parlerai.
Il est possible que mes amis trouvent des empêchements... alors, à la première objection je serai enchanté d'avoir un prétexte pour ne rien fiche. Cet Essai... je vais avoir l'intention de le faire...
- Le jour où tu finiras quelque chose - toi !
- Hein ! - ce que nous serons épatés tous les deux !

Jean de Tinan, Penses-tu réussir !
Commenter  J’apprécie          10
(Un ami, s'adressant au protagoniste victime d'un chagrin d'amour :)
- Ah zut ! Trempe dans tes larmes, mon vieux, trempe ! Seulement, je te préviens, tu finiras par t'y ramollir...

Jean de Tinan, Penses-tu réussir !
Commenter  J’apprécie          20
La nappe d'eau bleue, où glissait le canot blanc, révélait un ciel de mai fragile encore ; le vert des feuilles était vif, le vent y jouait avec prestesse, l'odeur du renouveau flottait. Le charme des choses simples se présentait avec abondance, c'était l'époque des jeunes filles.

Camille Mauclair, Le Soleil des Morts
Commenter  J’apprécie          20
Les grandes énergies en étaient dépensées, il n'y restait que les sensations raffinées, l'efflorescence fragile des délicatesses, la curiosité, le rare. L'élite ainsi demeurait comme les Byzantins occupés de controverses minutieuses et savantes, dans un empire illusoire et exténué, cerné par le grand submergement des barbares. Elle prolongeait un art admirable et maladif, fin comme les visages de ceux qui vont mourir de langueur, et dressait dans la jouissance égoïste et bousculée de l'époque sa noblesse inutile et ses œuvres hésitantes, ne persistant que pour l'honneur. Elle eût dû s'imposer comme une féodalité, elle devenait une congrégation, mal tolérée, et tournait le dos à la vie : c'était bien ce que Manuel Héricourt avait dit, et André de Neuze, en rentrant dans l'existence active de l'hiver, en demeura écœuré. L'odeur de décadence montait de cette élite, en somme, comme de la foule ; mais c'était une odeur exquisement fanée et captivante, comme ces parfums que la chimie sait extraire des plus odieuses pourritures.

Camille Mauclair, Le Soleil des morts
Commenter  J’apprécie          40
Nerveux, subtils, tourmentés par le souci de nuances d'art difficiles, presque insaisissables, les intellectuels se dressaient vainement, un contre cent mille, comme la suprême efflorescence avant la déchéance des races latines. Avec l'espoir, les projets, les formules d'un renouveau, ils étaient la fin, les derniers annonciateurs d'un aspect inconnu de beauté, que la modernité au sang pauvre apercevait mais ne pourrait plus saisir. Et avec une obstination douloureuse, ils montraient les routes, s'y engageaient seuls, semblaient exilés par une époque piétinante qui fermait la porte derrière elle et qui ne voulait plus inventer.

Camille Mauclair, Le Soleil des morts
Commenter  J’apprécie          40
Une poésie triste, familière, née de la pauvreté, de l'odeur des feuilles et du brouillard, émane de ce paysage, qui essaie d'être la campagne derrière un mur abritant trois millions d'existences et qui s'imprègne d'elles, frissonne sous leurs souffles, se recueille avant de les laisser prévoir. On dirait qu'aux portes de la ville immense se suspend un instant l'adieu de la nature reconduisant le passant qui va pénétrer dans le chaos : on dirait qu'avant de l'abandonner elle veut lui donner un regret, se faire plus exquise et plus nostalgique. Un charme étrange se révèle en cette nature souillée, qui languit épuisée jusqu'aux bords des remparts, et qui, de tout l'égout commençant les banlieues, a tiré sa mélancolique beauté.

Camille Mauclair, Le Soleil des morts
Commenter  J’apprécie          90
- Pourquoi disais-tu que les Clarisses sont des soeurs qui n'ont pas de frères ?
- Parce que, lorsqu'on manque de pain de seigle, elles mangent de la miche, parce qu'elles dorment pendant qu'on veille, parce qu'elle ne font rien pendant qu'on travaille, parce qu'elles vivent pendant qu'on crève, parce qu'elles espèrent pendant qu'on souffre, parce qu'elles ont le ciel, tandis que, pour l'avoir mérité, ce ciel, nous avons, nous, l'enfer !

Catulle Mendès, Le Chercheur de tares
Commenter  J’apprécie          10
A vrai dire, j'avais une espérance : celle de devenir fou. Je savais bien que j'étais, que j'avais toujours été sur le point de devenir fou. Mais je ne l'avais jamais été, et je ne l'étais pas. Etre fou ! mais c'est l'ambition légitime de tous les hommes dignes du nom d'hommes. Je sais, je sais, il y a les gâteux, les baveux, et les agités féroces, qu'on met en cages ! Exceptions. Il y a surtout, en plus grand nombre, les bons fous rêveurs, qui s'éblouissent délicieusement, comme les bergers d'une idylle de rêve, d'un papillon posé à la fleur des pommiers dans la cour de Charenton ! il y a les mères qui, assises sur un banc, retrouvent, dans le bercement sous un châle, l'illusion du premier-né ; il y a celui qui se croit empereur ! il y a celui qui se croit dieu ! et cet empereur-là ne perdra jamais de batailles ; et ce dieu n'aura jamais d’athées.

Catulle Mendès, Le Chercheur de tares.
Commenter  J’apprécie          180






    Lecteurs (39) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

    Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

    Honoré de Balzac
    Stendhal
    Gustave Flaubert
    Guy de Maupassant

    8 questions
    11132 lecteurs ont répondu
    Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

    {* *}