Fin août dans un bel appartement parisien. Claudia s'active aux fourneaux, anxieuse et stressée, car ce soir Étienne, son compagnon, a invité un couple de ses vieux amis a dîner.
Un simple dîner? Pas si sûr, car pour lui l'enjeu est d'obtenir de Johar, cadre dirigeante d'une start up cotée en bourse, un contrat pour son cabinet d'avocat. La soirée est chaude et l'ambiance est lourde car Étienne ne cesse de rabrouer la discrète Claudia. Quant aux invités, leur humeur n'est pas meilleure. Johar vient à reculons car quelques heures plus tôt elle a eu une proposition de promotion inespérée à laquelle elle doit répondre rapidement et Rémi, son mari, prof de prépa, s'impatiente de retrouver Marion, la jeune collègue dont il est l'amant.
Un simple dîner où amer et acide pourraient s'inviter au menu et bousculer le cours de ces quatre existences.
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Belle réussite que ce premier roman. le propos peut avoir des airs de déjà vu et pourtant ce huis clos est surprenant de réussite. En alternant les points de vue, et en se centrant sur le regard des deux femmes, il nous assied à leur table et nous pose en spectateur de ce curieux dîner aux enjeux cruciaux pour chacun des convives. L'air est lourd, chargé de tensions, l'ambiance est pesante mais chacun joue sa partition pour respecter les conventions. Mais sous les crânes ça bouillonne et sous ce vernis d'apparente quiétude, tous sont proches du point de rupture. Avec finesse et virtuosité
Cécile Tlili nous les décrit par un geste, une phrase, plus que par mille mots. Une hésitation sur un assaisonnement nous montre la fragilité de Claudia, la timide, l'effacée. Une main posée sur la nuque illustre l'emprise écrasante d'Etienne sur elle, son besoin de contrôle et de réussite, lui le fils de bonne famille intransigeant et ravageé par la peur de l'échec. Une répartie cinglante signe l'assurance de Johar, la battante qui a dû très tôt se battre pour sortir de sa condition modeste, elle que le fumet du curry transporté vers son enfance si loin des dorures parisiennes. Une main qui glisse sur un téléphone enfin nous donne à voir l'impatience de Remi à quitter l'aridité de son couple, mais aussi à reprendre sa position de mâle dominant mise à mal, devant l'intérêt qu'une jeune femme accorde à sa fadeur rassurante, à sa bonhomie sympathique.
Pendant ces quelques heures, au fil de leurs pensées l'auteur nous parle des rêves de jeunesse, d'ambition et de réussite professionnelle, du délitement du couple et du désir d'enfant, des racines et de la condition féminine. Elle met enfin en lumière le grand écart entre ce que l'on donne à voir et ce que l'on est vraiment. Vertigineux!
Simple réserve, j'ai regretté que l'intrigue soit un peu prévisible mais cela reste une lecture plus qu'agréable dont on imagine sans mal la mise en scène au théâtre.
Assurément une auteur